[one-shot] Harry Potter - Guérison
Sep. 1st, 2008 10:17 pm![[identity profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/openid.png)
![[community profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/community.png)
Titre : Guérison
Auteur :
shono_hime
Fandom : Harry Potter
Pairing: Théodore Nott/Hermione Granger
Rating : G
Disclaimer : Mrs Rowling en a les droits... Je prends le gauche ^w^
Note de l’auteur : Cette fic est une suite/un parallèle à ma fic Fragments de femme écrite il y a déjà quelques temps pour
louve26. Il est conseillé de lire les deux pour mieux comprendre ^^
« Tu es la personne la plus non-sexuelle que j’aie jamais rencontré, Théodore Nott, » lui avait un jour dit Pansy avec mépris.
Elle avait voulu en faire une insulte, mais déjà à l’époque, il était trop lucide pour en prendre ombrage. Elle s’était tournée vers lui, au début de leur dernière année à Poudlard, espérant trouver entre ses bras un palliatif à Draco. En vain. Déçue, elle s’était rabattue sur Blaise, ne perdant pas une seule occasion d’expliquer à tous avec forces détails pourquoi l’héritier Nott l’avait déçue.
Théodore s’était accommodé de la réputation qu’elle lui avait créé sans trop de gêne, tout simplement parce que cela l’arrangeait. Il n’était effectivement pas très porté sur la chose, vieux avant l’âge, comme disait parfois Daphné. Peu importait ce que pensaient les autres.
Ensuite, pendant la guerre, il avait eu son lot d’aventures d’un soir, plus poussé par le besoin de contact que par une réelle envie sexuelle. La nuit, quand se cacher devenait un défi, quand toutes les portes que l’on fermait pouvaient ne jamais se rouvrir au matin, l’esprit comme le corps avaient besoin de réconfort.
Il n’avait pas retenu leurs noms, elles n’étaient que des fantômes sans visage, des bras autour de son cou, des soupirs anonymes, des jambes fines ou pas, et des cheveux sur un oreiller minable. De la chaleur. Rien d’autre.
Il n’y avait rien qui clochait chez lui, relativisait-il de temps à autre. Il avait toujours été plus intéressé par les choses de l’esprit, mal à l’aise dans sa propre chair. Il lui avait fallu du temps, une guerre et une raison de vivre et mourir pour se sentir enfin bien dans sa peau. Paradoxalement, il s’était construit en temps de guerre, façonné par la peur, les doutes et les risques comme dans le plus solide des aciers. Il n’avait pas de cicatrices visibles, bien trop Serpentard pour faire les choses lui-même, mais c’était sa propre vision de sa personne qui avait été modifiée, et cela se reflétait dans le miroir.
Il avait choisi la psychomagie parce qu’il rêvait, au fond, romantique qu’il était, qu’on ne se souvienne pas de lui comme un destructeur, un assassin, mais comme un bâtisseur, un guérisseur. Ça lui allait bien, avait dit Pansy, d’aller fouiller l’esprit des détraqués, fou comme il l’était lui-même. Il avait souri et lui avait laissé sa carte. Elle avait tenu trois semaines avant d’arrêter de bouder. Un record.
Pauvre, chère Pansy, veuve sans alliance d’un homme qui n’avait jamais voulu la même chose qu’elle… Parfois, Théodore se disait qu’elle devait se sentir seule, cloîtrée dans la grande maison des Parkinson, seule avec elle-même et ses démons personnels. Lui avait refusé l’héritage que son père lui avait laissé en succombant à Azkaban, et avait laissé le Ministère s’occuper du Manoir Nott.
Il s’était installé dans un petit appartement, à Londres, dans le Quartier Sorcier, avec un chat pour colocataire, et s’il y était encore seul tous les soirs, quelle importance, se disait-il. Certains cherchaient l’oubli et le réconfort dans l’alcool, dans les fêtes ou dans le travail, lui les trouvaient dans la solitude : mieux valait un bon livre et un peu de tranquillité qu’une pièce remplie de vétérans qui n’arrivaient qu’à parler de la guerre, retournant sans cesse le couteau dans leurs plaies. Il en voyait suffisamment tous les jours, quand il allait travailler.
Parfois, seulement, quand la journée avait été dure, le besoin lui prenait de parler à quelqu’un, quelqu’un qui répondrait, pas comme son chat, alors il mettait la radio, prenait un livre, et noyait son besoin d’un autre dans l’Histoire, une histoire si lointaine que le spectre de l’éternel recommencement ne l’effleurait pas encore.
Et puis un jour, alors qu’il poussait la porte du service de psychomagie, il y avait rencontré la personne la plus improbable qui soit : Harry Potter lui-même. Le Héros du monde sorcier qui venait consulter… Théodore n’avait pu qu’admirer presque involontairement le courage du Gryffondor qui, il fallait bien l’avouer, n’avait certainement pas besoin de ça pour ternir son image de marque…
Il l’avait salué silencieusement, avait souri de voir le Survivant peiner à mettre un nom sur son visage et s’était retiré dans son bureau sans lui avoir apporté son aide face à cet épineux problème.
En repensant à cette rencontre, Théodore s’était rendu compte à quel point le monde sorcier traitait mal ses héros, quels qu’ils soient, grands comme Potter ou petits, comme les nombreux combattants qui se succédaient dans son bureau. Il s’était demandé si personne ne s’en rendait compte, ou si tout le monde s’en fichait et il ne savait pas laquelle des deux explications lui plaisait le moins…
Et puis un jour, alors qu’il pensait qu’il ne pouvait pas détester plus la société dans laquelle il vivait, il l’avait rencontrée.
Hermione Granger.
Une silhouette frêle devant la porte du service, une respiration courte et remplie de larmes contenues et des jambes qui menaçaient de lâcher à tout moment. Il n’y avait pas vraiment cru quand il avait vu son nom dans la liste de ses consultations, il s’était dit qu’elle devait être là pour une raison professionnelle, ou bien qu’elle surveillait tous les fils de Mangemorts pour voir si un d’entre eux ne cherchait pas à motiver les troupes pour un autre génocide. Mais à la regarder, pâle et hagarde, elle lui avait semblé très différente du souvenir qu’il avait d’elle, comme une étrangère.
Alors Théodore avait réagi sans se laisser contrôler par ses préjugés et il avait tendu le bras pour l’empêcher de s’effondrer. Leurs yeux s’étaient croisés, et à nouveau il avait eu cette impression d’avoir affaire à une étrangère. Ils ne se connaissaient certes que peu, ne partageant aucune passion sinon celle solitaire de la connaissance. Mais elle avait toujours brûlé de ce feu qui caractérisait les Gryffondors, ce mélange d’espoir stupide et inébranlable et de courage aveugle. Où était-elle, cette flamme, désormais ?
Le poignet qu’il tenait entre ses doigts palpitait faiblement, chaque battement de cœur résonnant contre sa propre peau. Le contact lui avait semblé presque intime, un partage rien qu’entre eux du sentiment d’être en vie.
Il l’avait convaincue de sortir prendre un peu l’air sur la terrasse, ignorant ses faibles protestations. Elle n’avait pas besoin de quatre murs et d’un bureau, elle avait besoin de regarder autour d’elle et de faire son deuil de la guerre en admettant que tout était terminé. Combien en avait-il déjà vu passer, des anciens combattants qui avaient ancré leur vie dans la guerre au point de ne plus pouvoir s’en sortir ? Combien étaient-ils à vivre dans le passé, car le présent était trop effrayant, trop inconnu ?
Il avait allumé une cigarette et la lui avait offerte. Elle avait refusé avec cet air hautain qui l’avait quelque peu rassuré : elle était toujours là, parmi les éclats du miroir de sa vie. Elle n’avait pas besoin de ça, soi-disant. Pour sa part, il préférait se brûler les poumons et mourir d’un cancer que de mourir à petit feu en ayant trop peur de vivre, simplement parce qu’il avait trop vu la mort. Mais il n’était pas payé pour juger. Alors il l’avait faite parler. Ce n’était jamais difficile pour qui savait écouter en silence : ils n’avaient pas peur de parler, ces héros oubliés, ils ne savaient juste pas vers qui se tourner. Ils étaient tous dans le même état, après tout.
Ça n’était pas juste. La guerre, déjà, ne l’avait pas été, ni ce qu’il avait dû faire pour y survivre. Mais la façon dont le monde sorcier traitait ceux qui l’avaient sauvé donnait à Théodore envie de vomir. Était-ce une façon de fuir, de prétendre naïvement que si rien ne se voyait, alors rien ne serait arrivé ? Quels idiots, au Ministère, pensaient vraiment qu’ils pouvaient occulter l’horreur ? Qui croyait qu’il valait mieux dissimuler que le Survivant lui-même était brisé, que leur sauveur à tous n’était plus que l’ombre de lui-même, effrayé même à la simple idée de sortir de chez lui ? Si c’était là le monde tel qu’ils l’avaient créé, alors Théodore regrettait presque d’y avoir contribué.
Et Granger parlait toujours, étalait les fragments de sa vie piétinés par les indifférents et les bien pensants. Derrière ses mots, il devinait les remords, les regrets, et l’envie parfois terrifiante d’avoir été marqué autrement que moralement par les drames. Il aurait été tellement plus simple d’aller consulter pour une blessure physique, que des potions et du temps auraient soignée. Mais les blessures de l’âme, elles, résistaient aux sorts et aux potions, elles résistaient au temps et à la soif tellement humaine de bonheur. Elles ne craignaient ni les lendemains ni les souvenirs et pervertissaient tout.
La peau de Granger était aussi lisse, aussi intacte que sa propre peau à lui. Et tout comme lui, elle en souffrait presque plus que si elle avait porté de façon visible les marques de ses maux. Alors il avait parlé et lui avait offert les conseils qui lui avaient permis de s’en sortir, de voir au-delà du constat morose que tout n’avait pas forcément changé en mieux, qu’elle-même avait changé et qu’elle ne se reconnaissait plus. À voix basse, pour lui réserver chaque syllabe, il lui avait soufflé de se trouver à nouveau, parmi ces bouts d’elle-même qu’elle peinait à rassembler. Ce serait long, ce serait douloureux, mais si elle voulait s’en sortir, il allait falloir qu’elle se bricole pour arriver enfin à ne voir qu’une personne, dans son miroir. Peut-être une inconnue, mais au moins un visage unique, et pas une myriade désolante d’éclats d’elle-même.
C’était comme ça que tout avait vraiment commencé. C’était comme ça qu’il l’avait aidée à se reconstruire et que lui-même s’était redécouvert dans cette envie sincère et désintéressée de sauver quelqu’un, de la voir devenir ce qu’elle aurait dû être, une jeune femme pleine d’assurance et de fougue, et pas ce fantôme, ce spectre de tristesse et de remords.
Jour après jour, semaine après semaine, Théodore l’avait écoutée parler, n’avait pas jugé quand elle avait hurlé sa rage contre le monde entier et l’avait épaulée quand elle s’était épuisée à force de pleurer. Avec le temps, la distance s’était comblée jusqu’à ce qu’épaule contre épaule, Granger devienne Hermione et qu’il puisse enfin la reconnaître dans ce prénom. Elle avait également choisi de l’appeler par son prénom, et il lui avait semblé se faire baptiser une nouvelle fois, tant ce prénom dans sa bouche avait paru nouveau.
C’était comme regarder le soleil se lever dans ses yeux, après cette nuit si longue. Parfois, les nuages passaient et assombrissaient l’astre naissant, parfois même la pluie tombait si fort qu’il semblait faire nuit, mais cachés au monde sur leur terrasse à eux, ils s’abritaient des nuages noirs derrière la présence de l’autre et le simple pouvoir des mots. Mais malgré tout, tout doucement, le soleil gagnait du terrain, et sans plus ensanglanter le ciel, il lui donnait la couleur de l’or, celle des fleurs dans les champs et de ces biscuits colorés que Lovegood avait un jour offert à Hermione et qu’ils avaient partagé. C’était une belle vision, que cette aube tant attendue, mais elle était encore plus magnifique à regarder dans les yeux d’Hermione…
Il avait fallu attendre six mois pour qu’elle ne dépende plus de lui et qu’elle annule une séance. C’était pour lui la première marque visible d’une guérison encore bien fragile, mais c’était néanmoins une victoire. Il avait souri et l’avait laissée profiter.
Puis Poudlard avait rouvert. Il avait accepté l’invitation pour Pansy qui était pour sa part encore perdue dans une nuit sans lune. Elle s’était accrochée à son bras jusqu’à ce que l’alcool délie ses doigts trop maigres. Elle était la preuve vivante qu’il ne pourrait pas sauver tout le monde, qu’il était malgré tout condamné à voir la guerre continuer à ravir des victimes malgré le passage du temps. Alors il était sorti prendre l’air.
La musique à l’intérieur semblait presque trop forte. Ils fêtaient certes une nouvelle victoire avec la réouverture de l’école, mais était-il vraiment le seul à croiser des fantômes à chaque détour de couloir ? Tous les visages hagards de ceux qui ne connaîtraient jamais de fin heureuse, tous les murmures qui le faisaient se retourner sans cesse, ces échos d’une époque qu’il n’arriverait jamais à oublier. Tant de noms, tant d’oubliés…
L’odeur du tabac l’avait tranquillisé, même si au fond de lui, il entendait presque le rire moqueur de Blaise et sa voix grave lui demander qui il pensait tromper à jouer les grands avec une cigarette. Perdu dans ses souvenirs, une voix très familière l’avait presque fait sursauter.
C’était elle. Son aube naissante, son petit jour aux couleurs chaudes. Il s’était rapproché et quand la musique s’était faite mélancolique et si parfaite pour eux, il lui avait tendu la main.
Leurs doigts s’étaient trouvés et il avait fermé les yeux en l’attirant à lui. Dans chaque pas de danse, dans chaque frôlement de leurs corps, il avait trouvé la victoire, sa victoire à lui, et celle d’Hermione elle-même. Ses cheveux lui avaient caressé le visage quand elle avait posé sa tête sur son épaule et presque instinctivement, il y avait déposé un baiser. Elle sentait bon les livres et le bois tiède.
Puis il y avait eu ses lèvres à son oreille… Sa peau s’était électrisée à ce contact, comme si tout son corps réalisait ce qu’il venait de trouver : ils étaient tellement identiques, tous les deux, plus qu’elle ne pouvait le penser.
Car comme pour elle, ses blessures étaient dans son cœur, mais sa peau contre la sienne était intacte et douce. Et après ce qu’elle avait traversé, c’était là également une de ses plus belles victoires.
FIN.
Auteur :
![[livejournal.com profile]](https://www.dreamwidth.org/img/external/lj-userinfo.gif)
Fandom : Harry Potter
Pairing: Théodore Nott/Hermione Granger
Rating : G
Disclaimer : Mrs Rowling en a les droits... Je prends le gauche ^w^
Note de l’auteur : Cette fic est une suite/un parallèle à ma fic Fragments de femme écrite il y a déjà quelques temps pour
![[livejournal.com profile]](https://www.dreamwidth.org/img/external/lj-userinfo.gif)
« Tu es la personne la plus non-sexuelle que j’aie jamais rencontré, Théodore Nott, » lui avait un jour dit Pansy avec mépris.
Elle avait voulu en faire une insulte, mais déjà à l’époque, il était trop lucide pour en prendre ombrage. Elle s’était tournée vers lui, au début de leur dernière année à Poudlard, espérant trouver entre ses bras un palliatif à Draco. En vain. Déçue, elle s’était rabattue sur Blaise, ne perdant pas une seule occasion d’expliquer à tous avec forces détails pourquoi l’héritier Nott l’avait déçue.
Théodore s’était accommodé de la réputation qu’elle lui avait créé sans trop de gêne, tout simplement parce que cela l’arrangeait. Il n’était effectivement pas très porté sur la chose, vieux avant l’âge, comme disait parfois Daphné. Peu importait ce que pensaient les autres.
Ensuite, pendant la guerre, il avait eu son lot d’aventures d’un soir, plus poussé par le besoin de contact que par une réelle envie sexuelle. La nuit, quand se cacher devenait un défi, quand toutes les portes que l’on fermait pouvaient ne jamais se rouvrir au matin, l’esprit comme le corps avaient besoin de réconfort.
Il n’avait pas retenu leurs noms, elles n’étaient que des fantômes sans visage, des bras autour de son cou, des soupirs anonymes, des jambes fines ou pas, et des cheveux sur un oreiller minable. De la chaleur. Rien d’autre.
Il n’y avait rien qui clochait chez lui, relativisait-il de temps à autre. Il avait toujours été plus intéressé par les choses de l’esprit, mal à l’aise dans sa propre chair. Il lui avait fallu du temps, une guerre et une raison de vivre et mourir pour se sentir enfin bien dans sa peau. Paradoxalement, il s’était construit en temps de guerre, façonné par la peur, les doutes et les risques comme dans le plus solide des aciers. Il n’avait pas de cicatrices visibles, bien trop Serpentard pour faire les choses lui-même, mais c’était sa propre vision de sa personne qui avait été modifiée, et cela se reflétait dans le miroir.
Il avait choisi la psychomagie parce qu’il rêvait, au fond, romantique qu’il était, qu’on ne se souvienne pas de lui comme un destructeur, un assassin, mais comme un bâtisseur, un guérisseur. Ça lui allait bien, avait dit Pansy, d’aller fouiller l’esprit des détraqués, fou comme il l’était lui-même. Il avait souri et lui avait laissé sa carte. Elle avait tenu trois semaines avant d’arrêter de bouder. Un record.
Pauvre, chère Pansy, veuve sans alliance d’un homme qui n’avait jamais voulu la même chose qu’elle… Parfois, Théodore se disait qu’elle devait se sentir seule, cloîtrée dans la grande maison des Parkinson, seule avec elle-même et ses démons personnels. Lui avait refusé l’héritage que son père lui avait laissé en succombant à Azkaban, et avait laissé le Ministère s’occuper du Manoir Nott.
Il s’était installé dans un petit appartement, à Londres, dans le Quartier Sorcier, avec un chat pour colocataire, et s’il y était encore seul tous les soirs, quelle importance, se disait-il. Certains cherchaient l’oubli et le réconfort dans l’alcool, dans les fêtes ou dans le travail, lui les trouvaient dans la solitude : mieux valait un bon livre et un peu de tranquillité qu’une pièce remplie de vétérans qui n’arrivaient qu’à parler de la guerre, retournant sans cesse le couteau dans leurs plaies. Il en voyait suffisamment tous les jours, quand il allait travailler.
Parfois, seulement, quand la journée avait été dure, le besoin lui prenait de parler à quelqu’un, quelqu’un qui répondrait, pas comme son chat, alors il mettait la radio, prenait un livre, et noyait son besoin d’un autre dans l’Histoire, une histoire si lointaine que le spectre de l’éternel recommencement ne l’effleurait pas encore.
Et puis un jour, alors qu’il poussait la porte du service de psychomagie, il y avait rencontré la personne la plus improbable qui soit : Harry Potter lui-même. Le Héros du monde sorcier qui venait consulter… Théodore n’avait pu qu’admirer presque involontairement le courage du Gryffondor qui, il fallait bien l’avouer, n’avait certainement pas besoin de ça pour ternir son image de marque…
Il l’avait salué silencieusement, avait souri de voir le Survivant peiner à mettre un nom sur son visage et s’était retiré dans son bureau sans lui avoir apporté son aide face à cet épineux problème.
En repensant à cette rencontre, Théodore s’était rendu compte à quel point le monde sorcier traitait mal ses héros, quels qu’ils soient, grands comme Potter ou petits, comme les nombreux combattants qui se succédaient dans son bureau. Il s’était demandé si personne ne s’en rendait compte, ou si tout le monde s’en fichait et il ne savait pas laquelle des deux explications lui plaisait le moins…
Et puis un jour, alors qu’il pensait qu’il ne pouvait pas détester plus la société dans laquelle il vivait, il l’avait rencontrée.
Hermione Granger.
Une silhouette frêle devant la porte du service, une respiration courte et remplie de larmes contenues et des jambes qui menaçaient de lâcher à tout moment. Il n’y avait pas vraiment cru quand il avait vu son nom dans la liste de ses consultations, il s’était dit qu’elle devait être là pour une raison professionnelle, ou bien qu’elle surveillait tous les fils de Mangemorts pour voir si un d’entre eux ne cherchait pas à motiver les troupes pour un autre génocide. Mais à la regarder, pâle et hagarde, elle lui avait semblé très différente du souvenir qu’il avait d’elle, comme une étrangère.
Alors Théodore avait réagi sans se laisser contrôler par ses préjugés et il avait tendu le bras pour l’empêcher de s’effondrer. Leurs yeux s’étaient croisés, et à nouveau il avait eu cette impression d’avoir affaire à une étrangère. Ils ne se connaissaient certes que peu, ne partageant aucune passion sinon celle solitaire de la connaissance. Mais elle avait toujours brûlé de ce feu qui caractérisait les Gryffondors, ce mélange d’espoir stupide et inébranlable et de courage aveugle. Où était-elle, cette flamme, désormais ?
Le poignet qu’il tenait entre ses doigts palpitait faiblement, chaque battement de cœur résonnant contre sa propre peau. Le contact lui avait semblé presque intime, un partage rien qu’entre eux du sentiment d’être en vie.
Il l’avait convaincue de sortir prendre un peu l’air sur la terrasse, ignorant ses faibles protestations. Elle n’avait pas besoin de quatre murs et d’un bureau, elle avait besoin de regarder autour d’elle et de faire son deuil de la guerre en admettant que tout était terminé. Combien en avait-il déjà vu passer, des anciens combattants qui avaient ancré leur vie dans la guerre au point de ne plus pouvoir s’en sortir ? Combien étaient-ils à vivre dans le passé, car le présent était trop effrayant, trop inconnu ?
Il avait allumé une cigarette et la lui avait offerte. Elle avait refusé avec cet air hautain qui l’avait quelque peu rassuré : elle était toujours là, parmi les éclats du miroir de sa vie. Elle n’avait pas besoin de ça, soi-disant. Pour sa part, il préférait se brûler les poumons et mourir d’un cancer que de mourir à petit feu en ayant trop peur de vivre, simplement parce qu’il avait trop vu la mort. Mais il n’était pas payé pour juger. Alors il l’avait faite parler. Ce n’était jamais difficile pour qui savait écouter en silence : ils n’avaient pas peur de parler, ces héros oubliés, ils ne savaient juste pas vers qui se tourner. Ils étaient tous dans le même état, après tout.
Ça n’était pas juste. La guerre, déjà, ne l’avait pas été, ni ce qu’il avait dû faire pour y survivre. Mais la façon dont le monde sorcier traitait ceux qui l’avaient sauvé donnait à Théodore envie de vomir. Était-ce une façon de fuir, de prétendre naïvement que si rien ne se voyait, alors rien ne serait arrivé ? Quels idiots, au Ministère, pensaient vraiment qu’ils pouvaient occulter l’horreur ? Qui croyait qu’il valait mieux dissimuler que le Survivant lui-même était brisé, que leur sauveur à tous n’était plus que l’ombre de lui-même, effrayé même à la simple idée de sortir de chez lui ? Si c’était là le monde tel qu’ils l’avaient créé, alors Théodore regrettait presque d’y avoir contribué.
Et Granger parlait toujours, étalait les fragments de sa vie piétinés par les indifférents et les bien pensants. Derrière ses mots, il devinait les remords, les regrets, et l’envie parfois terrifiante d’avoir été marqué autrement que moralement par les drames. Il aurait été tellement plus simple d’aller consulter pour une blessure physique, que des potions et du temps auraient soignée. Mais les blessures de l’âme, elles, résistaient aux sorts et aux potions, elles résistaient au temps et à la soif tellement humaine de bonheur. Elles ne craignaient ni les lendemains ni les souvenirs et pervertissaient tout.
La peau de Granger était aussi lisse, aussi intacte que sa propre peau à lui. Et tout comme lui, elle en souffrait presque plus que si elle avait porté de façon visible les marques de ses maux. Alors il avait parlé et lui avait offert les conseils qui lui avaient permis de s’en sortir, de voir au-delà du constat morose que tout n’avait pas forcément changé en mieux, qu’elle-même avait changé et qu’elle ne se reconnaissait plus. À voix basse, pour lui réserver chaque syllabe, il lui avait soufflé de se trouver à nouveau, parmi ces bouts d’elle-même qu’elle peinait à rassembler. Ce serait long, ce serait douloureux, mais si elle voulait s’en sortir, il allait falloir qu’elle se bricole pour arriver enfin à ne voir qu’une personne, dans son miroir. Peut-être une inconnue, mais au moins un visage unique, et pas une myriade désolante d’éclats d’elle-même.
C’était comme ça que tout avait vraiment commencé. C’était comme ça qu’il l’avait aidée à se reconstruire et que lui-même s’était redécouvert dans cette envie sincère et désintéressée de sauver quelqu’un, de la voir devenir ce qu’elle aurait dû être, une jeune femme pleine d’assurance et de fougue, et pas ce fantôme, ce spectre de tristesse et de remords.
Jour après jour, semaine après semaine, Théodore l’avait écoutée parler, n’avait pas jugé quand elle avait hurlé sa rage contre le monde entier et l’avait épaulée quand elle s’était épuisée à force de pleurer. Avec le temps, la distance s’était comblée jusqu’à ce qu’épaule contre épaule, Granger devienne Hermione et qu’il puisse enfin la reconnaître dans ce prénom. Elle avait également choisi de l’appeler par son prénom, et il lui avait semblé se faire baptiser une nouvelle fois, tant ce prénom dans sa bouche avait paru nouveau.
C’était comme regarder le soleil se lever dans ses yeux, après cette nuit si longue. Parfois, les nuages passaient et assombrissaient l’astre naissant, parfois même la pluie tombait si fort qu’il semblait faire nuit, mais cachés au monde sur leur terrasse à eux, ils s’abritaient des nuages noirs derrière la présence de l’autre et le simple pouvoir des mots. Mais malgré tout, tout doucement, le soleil gagnait du terrain, et sans plus ensanglanter le ciel, il lui donnait la couleur de l’or, celle des fleurs dans les champs et de ces biscuits colorés que Lovegood avait un jour offert à Hermione et qu’ils avaient partagé. C’était une belle vision, que cette aube tant attendue, mais elle était encore plus magnifique à regarder dans les yeux d’Hermione…
Il avait fallu attendre six mois pour qu’elle ne dépende plus de lui et qu’elle annule une séance. C’était pour lui la première marque visible d’une guérison encore bien fragile, mais c’était néanmoins une victoire. Il avait souri et l’avait laissée profiter.
Puis Poudlard avait rouvert. Il avait accepté l’invitation pour Pansy qui était pour sa part encore perdue dans une nuit sans lune. Elle s’était accrochée à son bras jusqu’à ce que l’alcool délie ses doigts trop maigres. Elle était la preuve vivante qu’il ne pourrait pas sauver tout le monde, qu’il était malgré tout condamné à voir la guerre continuer à ravir des victimes malgré le passage du temps. Alors il était sorti prendre l’air.
La musique à l’intérieur semblait presque trop forte. Ils fêtaient certes une nouvelle victoire avec la réouverture de l’école, mais était-il vraiment le seul à croiser des fantômes à chaque détour de couloir ? Tous les visages hagards de ceux qui ne connaîtraient jamais de fin heureuse, tous les murmures qui le faisaient se retourner sans cesse, ces échos d’une époque qu’il n’arriverait jamais à oublier. Tant de noms, tant d’oubliés…
L’odeur du tabac l’avait tranquillisé, même si au fond de lui, il entendait presque le rire moqueur de Blaise et sa voix grave lui demander qui il pensait tromper à jouer les grands avec une cigarette. Perdu dans ses souvenirs, une voix très familière l’avait presque fait sursauter.
C’était elle. Son aube naissante, son petit jour aux couleurs chaudes. Il s’était rapproché et quand la musique s’était faite mélancolique et si parfaite pour eux, il lui avait tendu la main.
Leurs doigts s’étaient trouvés et il avait fermé les yeux en l’attirant à lui. Dans chaque pas de danse, dans chaque frôlement de leurs corps, il avait trouvé la victoire, sa victoire à lui, et celle d’Hermione elle-même. Ses cheveux lui avaient caressé le visage quand elle avait posé sa tête sur son épaule et presque instinctivement, il y avait déposé un baiser. Elle sentait bon les livres et le bois tiède.
Puis il y avait eu ses lèvres à son oreille… Sa peau s’était électrisée à ce contact, comme si tout son corps réalisait ce qu’il venait de trouver : ils étaient tellement identiques, tous les deux, plus qu’elle ne pouvait le penser.
Car comme pour elle, ses blessures étaient dans son cœur, mais sa peau contre la sienne était intacte et douce. Et après ce qu’elle avait traversé, c’était là également une de ses plus belles victoires.
FIN.
no subject
Date: 2008-09-02 10:27 am (UTC)