[one-shot] Rivages - Exécution

[shono-hime.livejournal.com]

Titre: Exécution
Auteur: shono_hime
Fandom: Rivages (Original)
Personnage: Linus
Rating: PG
Disclaimer: L'univers et les personnages sont à moi, à part Calan et Evander dont les propriétaires se reconnaîtront.
Note: Ecrit pour 31_jours, thème: corde au cou


Quelque part, se disait Linus tandis qu'un Milicien complètement gigantesque le poussait vers la potence, il n'y avait pas de justice. Il trébucha un peu sur les pavés inégaux et le garde le rattrapa par le col et lui flanqua une taloche sur l'arrière du crâne qui lui fit voir double quelques secondes. Non, vraiment, où était la justice? Il n'avait rien fait de mal à Frey, tout au plus une soirée dans un bar où se tenaient des combats illégaux. Non, tout ça, c'était de la discrimination pure et simple, juste parce qu'il était Pirate, voilà tout!

Il se redressa légèrement, par fierté, et jeta un coup d'oeil sur sa droite, où un autre garde au moins aussi massif que le sien poussait Evander à avancer. Il lui fit un vague sourire grimaçant, essayant tant bien que mal de le réconforter. Son camarade n'était pas vraiment habitué à être pendu, lui. Bon, techniquement, Linus non plus, car la pendaison était en général quelque chose d'assez définitif, mais il avait essuyé pas mal de tentatives de la part de la Marine, et même s'il s'en était toujours sorti, c'était pas pour ça qu'il souhaitait ça à Evan... Ni à Calan, d'ailleurs, rajouta t'il mentalement avec un regard vers la gauche, où le stoïque charpentier traînait des pieds vers le gibet, à la grande irritation de son garde attitré.

Linus retint un ricanement, parce que, hey, c'était pas parce qu'il était Pirate qu'il était forcément dépourvu d'instinct de survie, d'abord! Puis il se rembrunit vaguement. Cette fois-ci, ça s'annonçait mal. Ils s'arrêtèrent un instant aux pieds du gibet, et Linus déglutit. Oui, très mal... définitivement mal, même... À côté d'eux, Piyho se débattit faiblement avant de se calmer, et Linus secoua la tête, dégoûté. Lui n'avait rien fait, bon sang, il était juste au mauvais endroit au mauvais moment! Qu'est-ce qu'ils croyaient, le Clergé et la Marine? Que massacrer tous les gens enclins à un minimum de liberté allait couper aux autres toute idée de rebellion?

Il serra le poing, soudain furieux. C'était pas juste, bon sang, c'était pas juste! On les traquait, on les pendait, on les lynchait, et tout ça pourquoi? Parce qu'ils ne voulaient pas être des esclaves! Oui, ils pillaient et ils massacraient, mais si seulement ils avaient pu choisir autre chose... Tous les Pirates qu'il connaissait et fréquentait étaient presque tous des marginaux avant même de choisir la piraterie! Qu'ils soient nés au mauvais endroit, ou sous le mauvais Elément, en quoi ça faisait d'eux des parias? Si personne ne leur laissait la moindre chance, pourquoi s'étonner qu'ils tournent mal?

Et puis... Un instant, il ressentit clairement l'absence de son bras droit, cette horrible douleur fantôme qui parfois l'empêchait de dormir. Il détestait la Marine, il les haïssait tous,à la botte de ce Clergé de monstres qui, sous couvert de sauver leurs âmes et de les guider vers les Dieux, agissait en despote et bourreau! Il n'avait que quinze ans, mais tout ce qu'il avait déjà perdu par la faute des Prêtres, il le ressentait comme une brûlure aux tripes, une envie de vomir, de hurler sa haine et de tout détruire. Il n'y avait pas si longtemps, il n'était pas comme ça. Et puis il avait perdu un ami, des camarades, un bras et son innocence. Et c'était leur faute, Ils avaient fait de lui un de ces monstres qu'ils traquaient, un de ces Pirates...

Dans la foule silencieuse qui assistait au spectacle, une voix, puis une autre, puis une autre encore, entonnèrent un chant Pirate, un de ceux que Linus connaissait par coeur, un de ceux que Leander, qui aujourd'hui n'était plus là, lui avait appris, de sa voix presque irréelle. Sans même réfléchir, il reprit lui aussi ce chant, alors même qu'on les poussait à leur place et qu'on leur passait la lourde corde chanvre au cou. Linus continuait à chanter, le coeur battant. C'était Rodd qui chantait, le seul de leur groupe à ne pas être sur le point d'être pendu, et même s'il n'avait pas reconnu les autres voix, une seule suffisait à lui faire reprendre confiance.

Dans la foule, des cris, puis une bagarre, et lui chantait toujours, décidé, s'il devait mourir, à crever avec ces paroles aux lèvres. Puis le bourreau abaissa le levier.

Car libres nous sommes nés et libres nous mourrons,
Avec pour éloge funèbre les cris de nos canons,
Un sourire aux lèvres et une lame à la main
Et jamais l'Océan n'oubliera nos refrains!

FIN.