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Titre : Héritage
Auteur : [livejournal.com profile] shono_hime
Fandom : Harry Potter
Personnages : Théodore Nott, Mr Nott
Rating : R ?
Disclaimer : Tous les personnages appartiennent à JK Rowling.
Note de l’auteur : Ecrit pour [livejournal.com profile] pompom_power, sur le thème "du sang sur mes mains". J’avais envie de changer un peu de la vision que j’ai d’habitude de Théodore. J’espère y être parvenue ^^


« Bonsoir, Père. »

Balthazar Nott sursauta et s’accrocha à la poignée de la porte qu’il venait d’ouvrir en portant une main à son cœur. Près de la fenêtre du salon, se tenant là comme un fantôme arraché à une vie d’oubli se tenait son fils unique. Il s’essuya le front avec un mouchoir et rentra dans la pièce, refermant soigneusement derrière lui. Le Manoir était vide, mais il semblait nerveux. Théodore eut un sourire poli et alluma quelques bougies d’un coup de baguette discret. Il s’avança vers son père et s’arrêta à quelques pas de lui, inclinant la tête.

« Je vous ai surpris ? C’est vous qui m’avez demandé de venir, pourtant.
- C’est exact. Et bien que je sois surpris que tu aies accepté si facilement, je suis très content de te voir, mon fils.
- Vous avez dit que c’était important, fit remarquer Théodore en haussant les épaules.
- Ça l’est, confirma-t-il avec un hochement de tête empressé. Mais assieds-toi, je t’en prie. »

Il fit un geste vers les fauteuils placés de part et d’autre d’une petite table et haussa les sourcils, surpris, en voyant sur cette dernière une théière et deux tasses fumantes.

« Pardonnez mon impolitesse, Père, mais je me suis permis de me servir un thé s’excusa Théodore en baissant la tête. Puis je vous ai vu arriver et je me suis dit que nous pourrions discuter devant une bonne tasse, comme autrefois.
- Oui… Autrefois… »

Autrefois, quand Théodore était encore jeune et malléable, avant qu’il ne devienne cette statue de pierre au cœur sec, sans aucun respect pour son père ni pour sa famille… ce fils égoïste et lâche qui avait tourné le dos à son sang. Balthazar s’assit en regardant son fils. Ce dernier avait un petit sourire mal à l’aise, contrit et était resté planté au milieu de la pièce, attendant visiblement un mot de sa part. Il s’essuya à nouveau le front et lui fit signe de venir le rejoindre avant de commencer à servir le thé.

« Vous…vouliez me parler, Père ? reprit Théodore avec une infime hésitation, comme si la perspective de cette conversation l’effrayait.
- Oui, confirma son père, plus confiant. Il faut que tu reviennes.
- Mais je suis là, Père.
- Ne joues pas au plus fin ! Je te parle de revenir dans la famille. De prendre ta place d’héritier, à mes côtés ! Aux côtés du Seigneur des Ténèbres, lança-t-il sèchement en serrant l’accoudoir de son fauteuil de ses doigts presque décharnés.
- Et pour quelle raison ferais-je cela, Père ? demanda Théodore sur le ton de la conversation. Vous savez pourquoi je suis parti, pourtant.
- Je sais. Mais les choses sont différentes, maintenant. C’est la guerre, Théodore. Je ne peux pas me permettre de laisser mon héritier batifoler et ignorer notre cause. Veux-tu donc te faire tuer et moi avec ?
- Bien sûr que non, l’assura son fils d’un ton calme, se permettant même un petit sourire. Je refuse juste d’être un vulgaire valet comme vous, je vous l’ai dit. »

Balthazar avait encore les oreilles qui résonnaient des insultes de son fils, quand ce dernier avait quitté le Manoir et sa vie, six mois plus tôt. Il l’avait traité de ‘larbin’ et de ‘laquais’, raillant sa loyauté pour son Seigneur. Balthazar l’avait puni sévèrement puis l’avait traîné jusqu’à sa chambre pour qu’il y passe une nuit à réfléchir, espérant que cela suffirait. Au matin, la chambre était vide, ainsi que son compte à Gringotts. Il avait pensé ne jamais revoir son fils, mais les pressions des autres Mangemorts, les rumeurs et le durcissement de la guerre avaient changé la donne. Il lui avait écrit, l’enjoignant à revenir et à discuter, et maintenant qu’ils s’étaient retrouvés, Balthazar n’était plus très sûr de comment la conversation allait tourner. Théodore avait changé : il semblait moins vicieux, moins consumé par cette rage froide qui faisait parfois jusqu’à trembler sa voix quand il lui parlait. Le changement paraissait positif, mais le vieil homme était néanmoins perplexe.

« Alors ? insista son fils en levant un sourcil. J’attends des arguments, Père. Ce n’est pas comme cela que vous allez me convaincre. »

Balthazar but une gorgée de thé après y avoir ajouté du sucre, pour se donner une contenance, puis il reposa sa tasse et releva les yeux vers son fils. En contemplant ce visage jeune et neutre, il se sentit soudain vieux. Il soupira.

« Le Maître insiste, Théodore. Il veut te voir et il veut que tu prennes la Marque. Même le jeune Draco a…
- Ne me comparez pas à lui, coupa-t-il en fronçant les sourcils.
- Mais le Maître n’a jamais aussi bien traité Lucius que depuis que son fils est parmi nous.
- Alors la voilà, la vraie raison… Quoi, les niches devant la porte ne sont pas suffisamment confortables pour vous, Père ?
- Ne sois pas impertinent, ou je…
- Ou quoi ? Regardez-vous, voyons ! Vous êtes mourant et vous mettez votre dernier espoir de survie en moi. Vous êtes vraiment tombé bien bas ! »

Balthazar cacha son trouble en buvant son thé. Il pouvait presque la toucher, cette haine qu’il connaissait si bien. Elle était toujours là, derrière ses mots et dans son ton pourtant toujours si poli, même quand il disait des horreurs. Pourtant elle n’était plus aussi vive, plus aussi mordante. Il y avait comme une retenue dans la colère de son fils.

Pourrait-il essayer de s’excuser ? Était-ce là ce qu’attendait Théodore ? Un mea culpa pour toutes ses fautes, tous ses manquements en tant que père ? Attendait-il une explication, des remords sur la mort de sa mère ? Sa douce épouse si fragile et si idéaliste qu’il avait dû faire taire pour qu’elle ne corrompe pas leur fils…
Ne serait-ce pas au contraire là une façon sûre de mettre le feu aux poudres ?

Il voulait Théodore à ses côtés, ou du moins dans son camp. Il craignait son fils autant qu’il craignait pour lui. Il voulait pouvoir bomber le torse en parlant de lui aux autres, et ne pas éluder leurs railleries en faisant semblant d’être sourd. Il voulait retrouver la gloire passée des Nott, celle à laquelle il avait tant rêvé en voyant son fils devenir un jeune homme intelligent, brillant et malin. L’échec n’était imputable à personne. Ils étaient juste trop différents…

« Si tu attends que je te supplie, tu es venu pour rien, souffla Balthazar en déglutissant avec peine. C’est ta mort que tu signes en refusant au Maître ce qu’il veut.
- Et la vôtre.
- Je… »

Le ton était indifférent. Théodore aurait pu parler de la pluie et du beau temps que son visage n’aurait pas été moins expressif. Balthazar grimaça, la gorge sèche. Son cœur se serra. Bien sûr, il avait raison. Sa vie était également en jeu. Il ne voulait pas mourir. Il savait qu’il n’aurait pas droit à une mort lente, qu’il serait humilié et écrasé avant qu’on ne l’achève.

« Êtes-vous fier de moi, Père ? demanda soudain Théodore à voix basse.
- Oui. »

C’était vrai. Fier, il l’était. À la fois fier et déçu, mais cela, Théodore ne l’avait pas demandé. Il regardait son fils et voyait à la fois son plus bel échec et sa plus magnifique réussite. Une réussite de voir ce qu’il était devenu. Un échec de voir les choix qu’il avait faits.

« Vous ne mentez pas, n’est-ce pas ? continua-t-il d’un ton étouffé, le visage baissé vers ses mains. Pensez-vous que votre fierté m’attendrira, me poussera à vouloir vous aider ?
- Je ne sais pas. »

Pourquoi il disait la vérité, il ne le savait pas non plus. Mais son cœur et son estomac noués parlaient de son trouble à voir son fils, toujours si changeant, lui refuser un ultime salut.

« Étiez-vous fier de moi, Père, quand vous me battiez pour m’apprendre à être un homme ? Étiez-vous fier que je ne pleure pas, que je ne vous supplie pas ? »

Balthazar s’essuya le front d’un geste tremblant mais ne répondit rien.

« Pensez-vous que j’estime vous devoir ce que je suis aujourd’hui ? Croyez-vous que j’éprouve une quelconque gratitude, en me regardant dans un miroir ? »

Théodore se leva, laissant derrière lui sa cape. Il avait le col de la chemise défait, et les manches déboutonnées. Il semblait s’être mis à l’aise en attendant que son père n’arrive. Il était étonnant de le voir dans une telle tenue, lui à qui Balthazar avait appris à être irréprochable à grands coups de canne.

« Croyez-vous vraiment, Père, que je suis suffisamment fidèle à notre sang pour vous aider ? »

Balthazar le croyait. Si Théodore avait fui, six mois plus tôt, ce n’était pas parce qu’il réprouvait les idéaux du Maître, mais par fierté. Il croyait lui aussi en la suprématie des Sang-Purs. Il le regarda faire quelques pas dans sa direction pour venir se tenir juste devant lui. Il le regarda ensuite se pencher en avant pour lui parler tout près.

« Je suis ce que vous avez fait de moi, Père. Êtes-vous fier ? Votre cœur se serre-t-il en m’entendant prononcer ces mots : ‘je vais rejoindre les Mangemorts’ ? »

Oui. Il crut que son cœur allait exploser. Le soulagement était tellement intense qu’il sentit quelques larmes brûler ses yeux. Derrière ses paupières mi-closes, il vit Théodore reculer et consulter l’horloge qui trônait, discrète, dans un coin.

« Mon fils… murmura-t-il, le souffle un peu court. Je te remercie.
- Oh, non, ne me remerciez pas, Père. Ce n’est qu’un bel héritage que vous me laissez là… » répondit Théodore en le toisant de haut, un sourire aux lèvres.

Sa main se crispa sur sa tasse et il la lâcha avec difficulté. D’une main tremblante, il chercha son mouchoir et s’épongea à nouveau le front, transpirant. Puis il toussa dans le tissu. Quand il le retira, il était rouge. Il leva des yeux paniqués vers son fils. Le thé ?

« Ne vous inquiétez pas, c’est complètement indolore. Un peu long, certes, mais vous avez toujours été patient, n’est-ce pas, Père ? » l’informa-t-il tranquillement.
- Théo…dore… »

Il se leva, tendant les mains vers lui. Pourquoi ? Croyait-il pouvoir échapper au Maître de cette façon ? Avait-il un antidote ? Ses jambes semblaient de plomb et il s’effondra sur son fils, toussant et crachant. Quand il reprit son souffle, il était allongé par terre, Théodore accroupi à côté de lui, les mains couvertes de sang. Son sang. Il avait remonté ses manches.
Sur son avant-bras, la Marque semblait plus noble. Il la portait bien.

Balthazar ouvrit la bouche, mais ne réussit qu’à tousser.

« Je vous l’ai dit, Père. Je ne serai pas un laquais comme vous. Le Maître a de grands projets pour moi. Mais je ne pouvais pas m’en montrer digne avec vous dans mes pattes, à vous accrocher à moi pour rester dans le cercle. Un jour vient où il faut savoir tirer sa révérence, Père… Et comme l’a dit le Maître : vous avez fait votre temps… »

Un mince, si mince filet d’air. C’était tout ce qu’il arrivait à prendre à chaque inspiration. Son cœur battait de façon erratique dans sa poitrine. Il gratta le tapis de ses ongles, ses jambes frémissant follement.

Théodore se releva souplement. Le sang et la Marque sur son bras… Il était magnifique. Ce qu’il avait toujours voulu qu’il soit.
Il sourit et vit son fils lui répondre, mais son sourire était glacial.

« Pauvre fou… »

Il le vit tourner les talons et s’éloigner. Sa chemise blanche fut la dernière chose qu’il distingua dans la pénombre grandissante. Puis les bougies s’éteignirent d’un coup. La porte claqua.
Il se concentra sur ce filet d’air qui le faisait vivre.
Son cœur s’arrêta et il eut une dernière, toute dernière seconde de panique.

FIN.
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