[one-shot] Harry Potter - Quatre Temps
Nov. 25th, 2008 08:48 am![[identity profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/openid.png)
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Titre : Quatre Temps
Auteur :
shono_hime
Fandom : Harry Potter
Personnages / Couple : Théodore/Blaise, Théodore/Draco, Blaise/Théodore/Draco
Rating : PG
Disclaimer : Encore et toujours à Mrs Rowling.
Note : Ecrit pour
camille_miko sur
banquet_final.
Ier Temps. Différences
Draco pouvait presque deviner les regards que lui jetaient les gens qu'il croisait dans les couloirs de Sainte-Mangouste. S'il avait levé les yeux, il aurait pu y lire du dégoût, de l'incompréhension ou de la pitié et aussi parfois cette indifférence si totale, comme s'il n'était même pas là. Depuis la mort du Seigneur des Ténèbres, quelques semaines plus tôt, il rencontrait très souvent ce genre de réactions. Sans pour autant pouvoir dire qu'il s'y était habitué, il avait appris à les ignorer en gardant les yeux baissés, en une position humble qui ne pouvait que satisfaire tous ces bien-pensants qui voulaient voir sa famille traînée dans la boue.
Il serra les dents et jeta un coup d'oeil vers les panneaux, cherchant son chemin. Il était au cinquième étage, le service de Pathologie des Sortilèges, et errait depuis quelques minutes, à sa grande irritation. La chambre 579 devait bien être quelque part ! Il refusait de demander son chemin, vue la façon dont il avait été reçu à l'accueil, bien décidé à prouver qu'il n'était pas aussi faible et pathétique que le prétendaient les rumeurs. Un guérisseur passa à proximité, lui jetant un regard plus curieux que belliqueux. Draco l'ignora avec application et continua son chemin sans se retourner. Quelques minutes plus tard, heureusement, le jeune homme était devant la chambre qu'il cherchait, essuyant ses mains moites sur sa robe de sorcier et cherchant le courage nécessaire pour frapper. Il levait la main pour la troisième fois quand il s'aperçut que la porte n'était pas fermée. Poussé par une curiosité qui n'était plus à prouver, il la poussa légèrement et se pencha pour mieux voir à l'intérieur.
La première chose qu'il vit fut le visage livide et amaigri de Théodore Nott, dont la pâleur extrême le faisait presque se confondre avec les draps. Il déglutit, détaillant presque à contre-cœur les bandages visibles sous son pyjama entrouvert, qui lui remontaient jusque dans le cou. Draco serra les poings. Théodore ressemblait à un cadavre oublié là par un guérisseur peu scrupuleux, et sans le très léger -trop léger, même- soulèvement de sa poitrine, Draco aurait paniqué. Il se concentra sur ce mouvement infime mais rassurant puis son attention fut captée par un autre mouvement, à côté du lit.
Blaise venait de se redresser dans la chaise qu'il occupait, se révélant à Draco. Il avait l'air hagard et soucieux, et ses vêtements portaient la trace d'un sommeil inconfortable dans ce fauteuil qui devait l'être encore plus. Sa présence surprit une seconde Draco, puis il la trouva somme toute assez logique : plus d'une fois, à Poudlard, Blaise et Théodore avaient partagé un lit, quand la puberté les avaient rendus aventureux. Draco n'aurait pas su dire s'ils se considéraient comme des amis, mais ils semblaient assez proches, et la présence de Blaise au chevet du malade confirmait cette impression.
Il sentit son coeur s'accélérer étrangement quand Blaise se pencha pour prendre la main de Théodore et la serrer une seconde avant de la lâcher et se lever brusquement, maladroitement. Ce geste malhabile avait quelque chose de presque désespéré aux yeux de Draco, qui recula d'un pas pour rester dissimulé.
« Tu auras donc le dernier mot, Théodore, souffla Blaise en croisant les bras, droit comme une statue au pied du lit. Je suppose que je ne verrai pas ouvrir les yeux avant mon départ... Idiot. »
Draco haussa les sourcils. Il n'était pas au courant du départ de Blaise mais il en comprenait les raisons. Il y avait désormais trois sortes de Serpentards et assimilés : ceux qui avaient collaboré avec les Mangemorts, ceux qui avaient choisi de rester neutres et ceux, enfin, qui avaient préféré soutenir avec l'Ordre et Potter. Les derniers étaient les plus rares, et nombreux parmi eux étaient ceux qui partageaient le même sort que Théodore : la bataille de Poudlard avait fait de nombreuses victimes et tous les Mangemorts n'étaient pas aussi attachés à leurs enfants que l'étaient les parents de Draco... Les neutres, eux, avaient eu plus de chance, du moins à court terme. Les Zabini étaient de ceux-là, et tout comme les Malfoy, qui avaient atterri dans cette catégorie, ils payaient maintenant le prix de leur inaction. Rien d'étonnant, donc à ce que Blaise et sa mère choisissent de quitter le pays.
« Enfin, je te traite d'idiot, mais c'est moi qui suis là, à te parler alors que tu dors, continua Blaise sur le ton de la conversation. Parce que ce n'est que cela, Théodore. Tu dors simplement, n'est-ce pas ? »
Il se pencha vers Théodore et murmura quelque chose à son oreille, comme s'il espérait vraiment qu'il l'entendrait. Draco plissa les yeux. Ces deux-là avaient toujours nié qu'il y avait plus entre eux qu'une complicité qui rendait possible une relation sexuelle sans attaches. Mais cette scène était beaucoup trop intime à ses yeux... Il se sentait étrangement lésé et jaloux. Il avait toujours considéré Théodore comme son égal, la seule personne à pouvoir comprendre sa situation, puisqu'il la partageait. Comme l'enfant gâté qu'il était, il s'était dit que Théodore était un peu à lui et il pouvait bien batifoler avec Blaise, ce dernier ne serait jamais vraiment en mesure de le comprendre... Mais il s'était apparemment trompé, et sa visite lui semblait soudain presque ridicule. Théodore avait choisi son camp en toute connaissance de cause, il avait choisi de tourner sa baguette vers ceux qui l'avaient élevé, vu grandir et façonné. Il avait failli mourir pour sa cause, sauvé in extremis par la bonté et la présence d'esprit de deux Serdaigles de dernière année, à ce qu'on racontait. Draco, lui, s'était caché dès qu'il avait pu, pour sauver sa vie. Pas celle des autres. En fin de compte, lui et Théodore n'avait rien de semblable. Oui, vraiment, il s'était trompé.
Il détourna les yeux tandis que Blaise se redressait en rajustant ses vêtements et résista à l'envie de partir lâchement en courant. Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait espéré en venant, sans doute une espèce de rédemption, l'assurance de la part de Théodore qu'il n'y avait ni rancoeur ni colère... Que ce qu'il avait fait pour sauver sa peau n'avait rien de honteux. Il ne savait pas depuis quand l'avis de Théodore comptait à ce point pour lui, ni pourquoi il en avait à ce point besoin, mais à le voir ainsi, inconscient et le corps brisé, il n'arrivait pas à l'imaginer le pardonnant. Lui, en tout cas, ne se voyait pas être aussi indulgent.
Sans trop réfléchir plus avant, Draco tourna les talons. Il pensait à ses parents, dont les humiliations étaient quotidiennes, et il pensa à Théodore, dont le père agonisait en prison. Il pensa à la loyauté qu'il avait envers les siens et à l'indépendance presque blessante de son ancien camarade de classe. S'il se réveillait, Théodore serait considéré comme un héros, mais lui-même était et serait pour longtemps considéré comme un lâche qui ne devait sa survie qu'à son inaction et ses parents.
Autrefois, ils avaient été égaux, Théodore et lui. Autrefois.
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IIe Temps. Altercation
La coupe de la robe était parfaite, mais Draco ne pouvait s'empêcher de tirer sur les manches ou le col. Il était nerveux et avait beau se dire que c'était normal, pour un futur marié, son noeud à l'estomac lui chantait un autre refrain. Son coeur qui battait à tout rompre n'avait rien à voir avec le mariage prévu pour l'après-midi même. S'il n'avait pas été déjà réprimandé par sa mère, il aurait essuyé ses mains moites sur le lourd tissu de sa robe. C'était certainement la chaleur estivale qui le faisait transpirer ainsi, la chaleur et la perspective de plus en plus proche de voir arriver les invités.
La réponse de Blaise au faire-part de mariage ne s'était pas faite attendre. Il venait seul, ce qui n'était pas très étonnant. Draco ne savait pas exactement comment sa mère avait obtenu son adresse, mais il vivait apparemment bien à Gênes, ou plus précisément dans une petite ville huppée de la banlieue génoise. Draco trouvait que cela lui allait bien. Il vivait à l'hôtel, ce qui lui ressemblait également. Le blond se permit un mince sourire. Il avait presque hâte de le revoir. Il s'attendait bien sûr à ce que cet éternel célibataire se moque de lui mais cela n'avait pas grande importance. Il n'était certes pas amoureux d'Astoria, mais il l'appréciait, et il savait que c'était réciproque. Avec un peu de chance, cela serait suffisant...
Un son cristallin retentit et il sursauta, coupé dans ses pensées. Les premiers invités. Il croisa les doigts pour que cela soit Pansy et son mignon du mois, ou même Millicent ! L'estomac noué, il s'approcha de la fenêtre pour essayer d'apercevoir le nouvel arrivant, mais la porte d'entrée se refermait déjà. Était-ce les Pritchard ? Ou peut-être les Davies ? Dans sa tête passaient toutes les réponses qu'il avait reçues à son invitation, et une en particulier sortait du lot. Théodore serait là. C'était sa mère qui avait envoyé l'invitation, par pure politesse, et la réponse avait été au moins aussi polie et impersonnelle, et pourtant positive. Et Draco avait passé le mois qui avait suivi cette réponse à essayer d'en deviner les raisons, en vain.
Deux coups à sa porte et il tirait une nouvelle fois sur son col avant d'inviter la personne à entrer après un dernier coup d'oeil dans le miroir.
« Quelle élégance, Draco ! s'exclama Blaise en entrant. Aurai-je droit à un baiser du marié, quand la cérémonie sera terminée ?
― Moi aussi je suis ravi de te revoir, Blaise, rétorqua-t-il avec un sourire.
― Je sais. »
Draco l'examina avec curiosité. Cela faisait presque trois ans, maintenant, qu'il l'avait vu pour la dernière fois, à l'hôpital et il avait changé. Il avait l'air mieux reposé et propre sur lui que ce jour-là, ce qui n'avait rien d'étonnant. Ses robes étaient à la dernière mode, dans un tissu luxueux et certainement moins étouffant que celui que Draco lui-même portait. Il s'était laissé pousser un bouc bien entretenu, qu'il portait fort bien, était-il besoin de préciser. Mais ce qui frappait surtout, c'était son sourire. Le Blaise qu'il avait connu était avare de sourires, les gardant pour les occasions particulières comme la séduction de sa proie du moment ou la moquerie. Et même si son sourire était en général très efficace, ses yeux, eux, restaient froids et distants. Mais plus maintenant, apparemment. Il y avait une étincelle malicieuse au fond de ses yeux noirs qui semblait dire au monde : "Voilà ce dont la guerre vous a privés !"
« Et bien ? Tu aimes ce que tu vois ? demanda Blaise en tournant gracieusement sur lui-même, apparemment conscient de l'examen qu'il subissait.
― Tu as changé.
― Toi non. Par la barbe de Merlin, Draco, quand vas-tu te décider à changer de coiffure, c'est indécent de ringardise ! » s'exclama-t-il avec un sourire moqueur.
Draco fronça les sourcils, vexé, et croisa les bras sur son torse en une pose boudeuse. Il ouvrit la bouche et répliqua la première chose qui lui passa par la tête :
« Je croyais que tu voulais un baiser ? C'est comme ça qu'on drague, par chez toi ? »
Ils échangèrent un regard stupéfait, l'un ne croyant pas ce qu'il venait d'entendre et l'autre mortifié d'avoir dit cela tout haut, puis Blaise éclata de rire, et là où autrefois, il n'y aurait eu que de la moquerie, le rire était maintenant teinté d'affection.
« C'est vrai, je m'en excuse, lança l'Italien après s'être calmé. Alors, comment vas-tu ?
― Bien, tout va bien.
― Hmmm, il me semble que tu essaies de t'en convaincre... Mais ce n'est pas très étonnant, pour quelqu'un qui va se marier. Mes félicitations, d'ailleurs.
― Merci.
― Nerveux ?
― Très, admit-il avec une grimace.
― Je ne peux pas t'aider, mon ami. Je ne pourrais que te proposer la fuite ou un orgasme pour te détendre !
― Tu es incorrigible. Et je croyais que ma coiffure était ringarde ?
― Tu portes le ringard merveilleusement bien, on ne te l'a jamais dit ? » flirta Blaise en se rapprochant de lui d'un mouvement félin.
Draco ricana et secoua la tête. La nervosité était toujours là, mais il ne pouvait nier être déjà plus détendu. Et sans orgasme, s'il vous plaît !
« Je retire ce que j'ai dit : tu n'as pas changé, en fait, lança-t-il.
― L'amour rend aveugle, rétorqua Blaise du tac-au-tac.
― Sans doute, souffla Draco après un bref silence. Alors, que deviens-tu ?
― Oh, la routine, tu sais... Je vis la nuit et je travaille le jour, répondit l'Italien en ne relevant pas le changement de sujet.
― Tu travailles ? s'exclama le blond.
― Ton incrédulité me blesse, Draco, se plaignit-il en portant une main à son coeur. Tu as devant toi un investisseur de talent !
― Dans quel secteur ?
― Si toi et ta dulcinée voulez visiter la Ligurie pendant votre lune de miel, mon hôtel a ouvert le mois dernier.
― Un hôtel ? J'ai du mal à te voir en gérant, s'étonna-t-il, amusé par le ton fier de son ami.
― Non, moi je les construis et je les finance. Des hôtels réservés aux sorciers, et il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Il y a un vrai marché, tu sais. »
L'idée était intelligente. Le marasme qui avait suivi la défaite des Mangemorts avait bouleversé la société sorcière. Les gens avaient besoin de distractions, de loisirs, tout pour oublier les horreurs perpétrées par le Ministère sous la coupe du Seigneur Noir et surtout à Poudlard. Draco hocha la tête, impressionné.
« Intéressant.
― Si tu as quelques économies que tu veux investir...
― J'y penserai. Un seul problème à la fois, tu veux ?
― Oh, je suis sûr que la jolie Astoria serait ravie de se voir qualifiée de "problème".
― Ne joues pas les perturbateurs, Blaise ! menaça Draco.
― Toujours aussi susceptible ! Tiens, en parlant de susceptible, Théodore est-il invité ?
― Oui. Je pensais que tu le savais. Vous n'êtes pas restés en contact ? demanda-t-il, perplexe.
― Au début, si. Mais nous avons eu une divergence d'opinions il y a quelques temps, et depuis, je n'ai plus de nouvelles. Ne lui dis pas que je t'ai dit ça, mais je crois qu'il boude. »
Draco sourit vaguement mais garda le silence. Si Théodore boudait Blaise pour une simple divergence d'opinions, alors il devait être proprement et simplement furieux contre lui, après trois ans passés sans donner de nouvelles, sans s'inquiéter de sa guérison, que l'on disait pénible et douloureuse. Pourquoi accepter l'invitation, dans ce cas ? Théodore n'était pas du genre à faire un scandale en public, ce n'était là donc pas une hypothèse valable, mais alors pourquoi ? Il dévisagea Blaise. La raison était peut-être devant lui. S'ils s'étaient disputés, se retrouver lors d'une soirée organisée par une connaissance commune pouvait être une façon valable de se réconcilier, sans avoir à faire le premier pas.
« Vous aurez tout le temps d'aplanir ces différences ce soir, dans ce cas, déclara-t-il avec un sourire qui se voulait amical.
― Et maintenant, c'est toi qui boudes, fit remarquer Blaise, décidément beaucoup trop observateur.
― Bien sûr que non !
― Allons, Draco... Tu auras le temps de lui parler, je te promets de ne pas le monopoliser toute la soirée.
― Ça m'est égal. C'est ma mère qui l'a invité, pas moi. »
Blaise fronça les sourcils, et même si cela n'avait là rien de rassurant, il lui sembla le revoir à l'époque de Poudlard.
« Théodore disait que c'était de la culpabilité mal placée, mais moi je penche plutôt pour de la fierté très mal placée... Alors dis-moi, Draco : qu'est-ce qui peut justifier d'ignorer un ami au plus mal, de ne pas donner de nouvelles pendant trois ans pour finalement le revoir à son propre mariage sans même l'avoir invité soi-même ? railla Blaise, allumant en lui une colère sourde.
― Qu'est-ce que tu voulais que je dise, exactement ? Je suis désolé que mes "collègues" aient manqué de te tuer ! Je te promets que je ne voulais pas les laisser faire, mais j'avais trop peur pour mon nombril pour faire quoi que ce soit ! gronda Draco. C'est facile pour toi de juger, tu étais tranquillement loin de tout ça, tu n'as pas partagé la cause de ceux qui ont failli le massacrer !
― Par Merlin, Draco ! Tout ne tourne pas autour de toi ! Tu ne t'es pas dit qu'il s'en fichait peut-être, de la marque sur ton bras ? Qu'il avait peut-être juste envie de te voir ?
― Et toi, alors ? Tu as filé en Italie avant même d'attendre qu'il se réveille ! accusa le blond avec une grimace haineuse.
― Ne change pas de sujet ! éclata Blaise en pointant un doigt menaçant vers lui. N'y pense même pas, Malfoy ! On parle de toi et de ton nombrilisme ! Il avait besoin de toi, et tu as préféré te terrer et lécher tes plaies comme un chien galeux !
― Besoin de moi ? Pour quoi faire ? Quand il t'a toi pour défendre son honneur, apparemment ! »
Ils reprirent leur souffle quelques secondes, se foudroyant mutuellement du regard. Puis l'expression de Blaise changea, et Draco put y lire de la pitié mêlée à du dégoût. Il grinça des dents.
« Tu ne vois vraiment pas, n'est-ce pas ? souffla Blaise, incrédule.
― Voir quoi ? Que tu es un fichu donneur de leçons ? cracha le blond.
― Non... Tant pis pour toi, Draco. Moi, je ne vais pas m'en plaindre, c'est même mieux pour moi.
― De quoi parles-tu ? s'impatienta-t-il.
― Laisse tomber. »
Blaise rajusta sa robe avec élégance, puis se tourna vers la porte. Les invités avaient dû arriver, pendant qu'ils s'égosillaient, mais Draco n'avait que plus envie de rester terré dans sa chambre, maintenant. La culpabilité qui ne l'avait jamais vraiment quitté était revenue au centuple, attisée par la colère de Blaise. Était-ce là sa vengeance, de lui gâcher ainsi la journée ? Même si, en étant honnête, ce n'était pas une bonne journée avant même qu'ils n'aient cette discussion.
« Je crois que je te hais un peu, souffla-t-il.
― Je te dirais bien que j'en suis désolé, mais ce serait mentir. Redemande-moi dans deux heures… » répliqua Blaise sans le regarder, en sortant de la pièce.
Draco soupira et essuya ses mains tremblantes sur sa robe, sans s'en soucier. Astoria devait certainement l'attendre pour qu'il joue son rôle d'hôte. Peut-être Théodore était-il déjà là... Peut-être seraient-ils tous déjà là, prêts à célébrer le mariage de quelqu'un pour qui ils n'avaient aucune estime. Il eut un sourire amer. Il aurait dû inviter Potter et sa Weasley, au moins aurait-il était sûr des sentiments de quelqu'un pour lui...
On frappa à sa porte et sa mère entra. Sans dire un mot, elle lui passa une main sur la joue avec un sourire mince qu'il lui rendit. Puis elle lui prit la main et le guida vers le couloir. Il se laissa faire, s'accrochant à cette main comme quelqu'un qui ne veut pas grandir.
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IIIe Temps. Renoncement
Finalement, ce fut Théodore qui fit le premier pas, après la cérémonie mais la discussion ne fit rien pour apaiser Draco. Il dansait d'un convive à l'autre, pratiquant son sourire de cérémonie, Astoria à son bras, quand il se retrouva soudain face à lui. Sans arriver à trouver ses mots, qui se déchaînaient comme une mer de tempête dans sa tête, le blond le salua d'un signe de tête maladroit. Il avait oublié que Théodore avait souvent cet effet là, sur lui.
Il avait toujours l'air malade, même si selon des sources fiables, il n'allait plus à Sainte-Mangouste qu'une fois par semaine pour de la rééducation. Mais cela n'enlevait rien à cette prestance discrète qui le caractérisait. Avec la douceur et la grâce d'un oiseau, il se pencha pour embrasser Astoria sur la joue et lui souffla ses félicitations avec un léger sourire de circonstance. Elle minauda, ce que Draco releva à peine, puis, sans doute sous les ordres de Narcissa, elle les laissa seuls tous les deux.
« Tu es venu seul, fit remarquer Draco, sans trouver rien de mieux à dire.
― Je n'ai pas une grande vie sociale, ces derniers temps, admit sans honte Théodore en haussant une épaule.
― Depuis que tu t'es disputé avec Blaise ? continua-t-il, intérieurement stupéfait de s'entendre dire cela.
― On peut dire ça comme ça... »
Ce n'était pas une réponse, ils le savaient tous les deux. Ils se regardèrent, l'un mal à l'aise et l'autre impassible, puis Draco détourna les yeux en soupirant.
« Viens t'asseoir, Théodore, j'ai l'impression que tu vas tomber en morceaux.
― Tu pourrais avoir un peu plus de respect pour le travail des Guérisseurs de Sainte-Mangouste, tout de même, taquina-t-il en se laissant toutefois entraîner vers la terrasse, où des bancs avaient été installés.
― Quand tu auras moins l'air d'être passé entre les serres d'un troupeau d'hippogryffes, on en reparlera, répliqua le blond, bourru.
― Tu as une si grande expérience en la matière... »
Draco grimaça sous le coup. Autant il arrivait à tenir tête à Blaise, autant tenter la même chose envers Théodore était pour lui du domaine de l'impossible. Ce n'était même pas pour des raisons de répartie, parce qu'il en avait, mais plutôt parce qu'à ses yeux, Théodore avait trop souvent raison pour qu'il remette en question ses critiques. La seule fois où il l'avait fait, quand Draco lui avait annoncé qu'il allait recevoir la Marque, l'issue n'avait pas été très joyeuse. Autrefois, les Serpentards appelaient Théodore leur source de sagesse personnelle, leur vieux sage en haut de la montagne. Aujourd'hui, cela manquait à Draco, mais il ne savait pas comment demander.
« Je ne t'ai pas félicité pour ton mariage, déclara soudain Théodore.
― Tu as félicité Astoria.
― Mais pas toi.
― Tu y tiens tant que ça ? demanda Draco en se tournant à demi vers lui, tandis qu'ils s'asseyaient sur un banc à l'écart.
― C'est important pour moi, admit lentement le brun, pesant chaque mot.
― Pourquoi ? »
Théodore se contenta de sourire en réponse, puis étira ses longues jambes devant lui, la tête levée vers le ciel.
« Pourquoi vous êtes vous disputés, Blaise et toi ? demanda le blond après une minute.
― Divergence d'opinions.
― C'est ce qu'il a dit, lui aussi... Mais ce n'est pas une réponse.
― C'en est une. Juste pas une qui répond à ta question, plaisanta Théodore en souriant.
― Pourquoi ne pas dire simplement que ce ne sont pas mes affaires, au lieu de me tourner en bourrique ? râla Draco, piqué au vif.
― Parce que nous sommes des Serpentards. »
Une réponse qui les valait toutes. Draco soupira pour la forme puis se détendit lui aussi sur le banc.
« Mais peu importe la raison de la dispute... C'est terminé.
― Oui, je vous ai vus discuter.
― Il a dit que vous aviez eu des mots tous les deux.
― Divergence d'opinions. »
Théodore se mit à rire doucement et leva les mains en signe de reddition. Draco hocha la tête d'un air satisfait, un sourire aux lèvres. Peut-être Blaise avait-il raison, au fond. Peut-être Théodore ne voulait-il pas juger et préférait avoir un ami... Assis l'un à côté de l'autre, dans la pénombre du jardin faiblement éclairé par la lune, ils profitèrent d'un moment de calme, puis Théodore se détourna un peu et Draco frissonna, comme glacé par ce simple geste.
« Blaise m'a proposé de venir vivre avec lui quelques temps, révéla soudain le brun, en regardant fixement devant lui.
― P...Pourquoi ? bafouilla Draco, pris au dépourvu.
― Il a dit que le soleil me ferait du bien, ainsi que le dépaysement. Que ça valait mieux que de rester seul chez moi, avec une goule pour seule compagnie.
― Et tu as accepté ?
― Oui. »
Draco ferma les yeux, déçu. Voilà qu'encore une fois, Blaise... Il secoua la tête, refusant d'être jaloux sans raison. C'était sans doute mieux pour Théodore, en effet, et quand à lui, il se débrouillait déjà bien tout seul.
« Mais ce n'est pas une raison pour redevenir des étrangers, continua Théodore d'un ton bas, comme s'il lisait dans ses pensées. La Poudre de Cheminette et le Transplanage existent pour une raison.
― Les hiboux, aussi », confirma-t-il.
Il préférait cette solution là. Théodore lui avait manqué, il pouvait l'admettre, et même s'il arrivait effectivement à vivre sans lui, fort heureusement, il appréciait ces conversations calmes, ces silences confortables et cette camaraderie tranquille. C'était comme si même pas une journée ne s'était écoulée depuis Poudlard, et la culpabilité qui aurait dû l'étouffer était comme dissipée par chaque mot qu'ils prononçaient.
« Nous devrions rentrer. Tes invités doivent te chercher.
― Oui », admit Draco sans grande conviction.
Ils se levèrent et Draco s'apprêtait à retourner vers la salle de réception quand Théodore posa une main sur son bras, immobilisant son geste. Il se tourna vers lui, le regard interrogateur.
« Je ne t'ai toujours pas félicité...
― C'est vrai, confirma-t-il, sans trop comprendre l'importance que cette formalité avait à ses yeux.
― Alors félicitations, Draco. »
Théodore se pencha vers lui et lui déposa un baiser sur la joue, en un geste tellement lent que Draco ne pensa même pas à l'éviter. Puis il recula d'un pas, son sourire prenant une couleur presque triste, sous la lune.
« Je te souhaite d'être heureux », souffla-t-il avant de tourner les talons et de s'éloigner.
Draco resta où il était, interdit, et quand il leva les yeux dans sa direction, il croisa le regard de Blaise, avant que ce dernier ne guide Théodore dans la pièce, une main posée dans son dos. Ce geste laissa à Draco un goût amer.
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Interlude. Apaisement
Ils tinrent tous deux parole. Draco ne choisit pas l'Italie comme destination pour son voyage de noces, mais quand ils y allèrent pour leur premier anniversaire de mariage, Astoria adora la petite ville pleine de charme où Blaise les installa, et elle les trouva, Théodore et lui, proprement charmants. Des hôtes parfaits et dont l'affection mutuelle était tellement évidente qu'elle mettait de bonne humeur, avait-elle résumé.
Le soleil et l'attention de Blaise avaient fait du bien à Théodore. Il avait repris du poids, des couleurs et lui aussi souriait plus franchement, comme si l'Italie faisait également pétiller ses yeux clairs. Quand lui et Blaise marchaient côte à côte et que leurs mains s'effleuraient, cela semblait presque plus intime que la main qu'Astoria glissait parfois dans la sienne et ses tentatives pour maîtriser la langue italienne donnaient à Blaise un sourire des plus doux.
Draco sentait la culpabilité disparaître lentement, remplacée par une sensation étrange de calme. Astoria était l'épouse qu'il lui fallait, à la fois discrète et indépendante. Elle aimait la musique et avait fait installer un piano dans la véranda. Parfois, il venait l'écouter jouer et s'était même soumis à quelques leçons pour finir par se rendre compte qu'il n'avait pas l'oreille musicale. Elle avait cessé de mettre du parfum à sa demande et lui la laissait organiser des soirées avec ses amies, auxquelles il acceptait parfois d'assister. Ils s'entendaient bien, se complétaient à merveille, mais il s'était trompé. Après un an, deux ans, cinq ans ou même dix ans, ce n'était toujours pas de l'amour, juste beaucoup d'affection partagée.
Il avait fini par accepter la proposition d'investissement de Blaise, et tous les trois, avec Théodore, étaient maintenant les heureux propriétaires d'une chaîne d'hôtels sorciers dans toute l'Europe. Ses parents étaient fiers et satisfaits et sa femme comblée. La notoriété des Malfoy était devenue plus commerciale que sociale, mais le changement était le bienvenu.
Puis naquit Scorpius, une telle copie de lui-même qu'il se pressa de le mettre en de bonnes mains en demandant à Théodore d'en être le parrain. Sans vouloir revivre sa vie à travers son fils, il choisit simplement de lui donner les meilleures chances, puis de le laisser faire ses choix tout seul.
Et si parfois il lui semblait qu'il lui manquait quelque chose, il mettait ces pensées idiotes de côté, car en regardant autour de lui, sa famille, son fils, ses amis, sa carrière, que pouvait-il bien lui manquer ?
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IVe Temps. Résolution
Le calme de sa vie fut rompu presque dix ans plus tard, par une annonce presque anodine de Blaise, un jour que lui et Théodore leur rendaient visite au Manoir. Ils étaient dans le jardin et tandis que Scorpius apprenait le nom des roses sous la surveillance de son parrain et de sa mère, Blaise et lui prenaient le soleil.
« Je vais me marier, lança l'Italien comme s'il annonçait l'arrivée du printemps.
― Quoi ?
― Je vais me marier, répéta-t-il, amusé.
― Mais... depuis quand ? Et avec qui ? Et... bafouilla-t-il, ne terminant pas sa phrase mais laissant errer son regard vers Théodore.
― Oh, c'est tout récent. Ses parents ont accepté il y a quelques jours. Elle s'appelle Celestina, tu sais, la fille du Ministre Italien de la Magie, annonça Blaise avec la fierté d'un paon.
― Et Théodore ? insista Draco. Il est au courant au moins ?
― Pour qui me prends-tu ? Évidemment qu'il est au courant. Il m'a même aidé à négocier le contrat de mariage.
― Je ne suis pas sûr de bien suivre... »
Blaise haussa les épaules et désigna Théodore du menton.
« Tu peux vivre avec quelqu'un que tu n'aimes pas, Draco. Parfois, tu peux en venir à l'aimer, parfois non, expliqua-t-il en lui jetant un coup d'oeil étrange. Tu en sais quelque chose, non ?
― C'est vrai, mais toi et Théodore... Vous vivez ensemble depuis presque dix ans, Blaise. Tu ne vas pas me faire croire que vous ne vous aimez pas !
― Oh, si, bien sûr. Mais les mariages d'intérêt existent, Draco, tu en portes la marque à la main gauche.
― Pourquoi ? Tu disais que tu ne te marierais jamais, pour ne pas finir comme ta mère, alors pourquoi maintenant, au bout de dix ans ?
― Le Nom, tout simplement. J'ai dû vieillir, je n'arrive pas à me résoudre à l'idée que mon Nom disparaisse. Je n'ai pas réussi à convaincre Théodore de faire de même... Enfin, après réflexion, il déteste tellement sa famille que je le soupçonne d'avoir choisi de préférer les hommes par pur esprit de contradiction, ricana Blaise.
― Tu n'as peut-être pas tord, admit Draco en riant. Mais et ta femme, dans tout ça ? Comment tu comptes lui expliquer que tu as un amant dans la pièce d'à côté ?
― Elle est au courant. Théodore m'a convaincu d'être honnête, et ça a plu à la demoiselle. Nous avons décidé que nous resterions discrets elle et moi, et que tout le monde serait content : ses parents et mon amant.
― Ce n'est pas comme si Théodore et toi n'étiez pas déjà très discrets, fit remarquer le blond.
― N'est-ce pas ? »
Draco hocha la tête et plissa les yeux face au soleil pour observer son fils et Théodore, qui en avaient terminé avec les roses et s'intéressaient désormais aux arbres. On pouvait décidément compter sur Blaise pour les surprises ! Mais au fond, pourquoi pas ? Astoria et lui étaient certes satisfaits en ménage, mais si elle finissait par rencontrer quelqu'un à son goût, il ne se voyait pas lui refuser l'amour que cet homme pourrait lui offrir, tant que les apparences, et surtout Scorpius étaient préservés. Les atrocités dont il avait été le témoin étaient encore trop présentes dans son esprit pour qu'il refuse aux siens une chance d'être heureux. Étrangement, quand il y repensait, c'était toujours les yeux sans vie de Colin Creevey dans les bras de Longdubat qui revenaient... Il se passa une main sur les yeux.
« Alors, tu approuves ?
― Ai-je vraiment mon mot à dire ?
― En tant qu'ami, en tant que co-entrepreneur, en tant que... Oui, tu as évidemment ton mot à dire », termina précipitamment Blaise, cherchant à dissimuler son faux pas.
Draco fronça les sourcils. Encore un de ces non-dits dont ils avaient le secret, ces deux-là... Comme s'ils savaient quelque chose que lui-même ignorait, et ce secret semblait être par moments soit un simple détail soit lourd comme du plomb.
« Finis ta phrase, Zabini, ordonna-t-il. Ça fait dix ans que vous tournez autour du pot, Théodore et toi.
― Ce n'est pas à moi de te dire ça, Draco. Je serais mal placé et je manque d'objectivité », soupira Blaise sans même chercher à nier, heureusement pour lui.
Encore une réponse qui n'en était pas une ! Une autre de leurs spécialités. Le blond pianota sur le banc pour marquer sa désapprobation puis se leva et se planta en face de son ami.
« Sauf que si j'attends que Théodore, que ça concerne apparemment, me parle de lui-même, j'ai au moins quelques réincarnations de marge ! insista-t-il. Dis moi de quoi il s'agit !
― Draco...
― Inutile de chercher à gagner du temps, j'en ai assez. Tu vas parler, sinon je vais devoir sévir !
― Ah oui, et comment ? le défia Blaise, de l'amusement au fond des yeux.
― Tu veux manger ce soir ? Je peux toujours demander à Astoria de cuisiner, si tu veux parfaire ton régime », menaça Draco en se retenant de rire.
Blaise pouffa puis déglutit exagérément pour montrer la terreur que faisait naître cette menace en lui. Draco ne le quitta pas du regard, bien décidé, malgré les plaisanteries, à obtenir des réponses.
« Tu me fais penser à un des roquets de Pansy, Draco, soupira Blaise. Quand tu as quelque chose en tête, plus moyen de te faire desserrer les dents.
― Tu ne te sauveras pas en m'insultant, Zabini. Avoue !
― Avouer quoi ? »
Draco se retourna, surpris, et tomba nez à nez avec Théodore qui venait les rejoindre. Il hésita, jeta un coup d'œil à Blaise qui se grattait distraitement le menton, puis se jeta à l'eau.
« Blaise et moi parlions de son mariage à venir.
― Tu t'es insurgé, j'imagine.
― Un peu... Mais j'avoue que je suis surtout curieux. Apparemment, j'ai mon mot à dire sur cette affaire, et pas seulement en tant qu'ami. Il n'a pas voulu m'expliquer, mais toi, tu vas le faire, n'est-ce pas, Théodore ?
― Il menace de demander à Astoria de cuisiner, fais attention ! » intervint Blaise.
Il reçut un regard mauvais de la part de Draco et un sourire de la part de Théodore. Ce dernier effleura ensuite le bras du blond pour capturer son attention.
« Je ne crois pas que ce soit quelque chose que tu as envie d'entendre, plaida-t-il.
― Peut-être pourriez-vous arrêter de décider pour moi, non ? rétorqua Draco plutôt sèchement.
― Ne commence pas à monter sur tes grands chevaux, intervint Blaise en se levant lui aussi.
― Pourquoi pas ? Vous me cachez quelque chose depuis dix ans !
― Ce n'est pas une raison pour être agressif ! Tu crois que ça nous amuse, de te faire des cachotteries ? s'indigna l'Italien.
― Oui !
― Tu... Non, je n'ai rien à répondre à ça, admit Blaise avec une grimace amusée.
― Draco, coupa Théodore avec un regard sévère en direction de son amant. Ce n'est pas si important, je t'assure que tu peux vivre sans...
― Dis moi », insista-t-il en détachant les deux mots.
Blaise se rapprocha et posa une main sur l'épaule de son amant, remontant jusqu'à sa nuque en une caresse qui se voulait réconfortante. S'appuyant légèrement sur lui, Théodore chercha le regard de Draco et l'accrocha.
« Je t'aime, déclara-t-il simplement, et presque fièrement. Depuis très longtemps, maintenant et de façon complètement irrationnelle. Blaise appelle ça ma maladie de Gryffondor.
― Maladie qui fait bien évidemment partie de son charme, glissa ce dernier.
― J'ai cru que je pouvais t'oublier grâce à Blaise, mais ça n'a pas marché. Il ne t'as pas remplacé, il a juste...trouvé une place à côté de toi, continua-t-il sans relever l'intervention. C'est tout.
― C'est tout ? C'est TOUT ? s'exclama Draco après avoir retrouvé sa voix. Par Salazar, Théodore ! Ça fait dix ans ou plus que tu m'aimes et... c'est tout ?
― Attention à ce que tu dis, Draco, dit Blaise en plissant les yeux.
― Et toi, tu l'as séduit alors qu'il...
― Draco, tais-toi, tu vas dire des bêtises. Je ne suis pas une pucelle au cœur brisé séduit par Casanova Zabini ! coupa Théodore, beaucoup trop amusé par la situation.
― Mais pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?
― Malgré ma maladie de Gryffondor, je suis tout de même un Serpentard... J'avais ma fierté, tout simplement, et j'avais ton amitié. Je ne voulais perdre ni l'une ni l'autre.
― Théodore...
― Ça va, Draco, je te promets », assura-t-il d'un ton apaisant.
Non, ça n'allait pas. Ça n'allait pas car il se rappelait son visage pâle à l'hôpital, et la façon dont son cœur s'était serré. Il revoyait Blaise lui prendre la main avec tendresse et son estomac se nouait rien qu'en y repensant. Il repensait au baiser que Théodore avait déposé sur sa joue avant de s'éloigner, le jour de son mariage, et l'amertume née de le voir partir avec Blaise...
« Tu es un idiot, souffla-t-il, la gorge serrée. Tu es un idiot, Théodore Nott. Tu es un idiot et c'est trop tard.
― Tu es au moins aussi idiot que lui, Draco. Deux vrais Gryffondors, je vous jure ! » se moqua Blaise.
Théodore, lui, le regardait fixement sans bouger. Draco chercha à échapper à son regard, mais en vain. Blaise avait raison, il était au moins aussi stupide, voire même plus que lui, car si le brun avait caché son amour toutes ces années, au moins en était-il conscient, tandis que lui... Il secoua la tête.
« Alors, comme je disais... Une épouse, un amant... C'est tout à fait gérable, surtout avec une épouse adorable comme la tienne, continua Blaise, sans se soucier que personne ne semblait l'écouter. Oh, évidemment, plus on est nombreux, plus c'est compliqué, mais tu ne rechignerais pas devant un petit bonus, n'est-ce pas, Draco ? »
L'interpelé releva la tête et les regarda tous les deux, Blaise avec ses mains autour de la taille de Théodore et sa joue contre la sienne, et ces yeux de félin sauvage mais infiniment tentateur, et Théodore lui-même, pâle comme la lune et beau comme elle, les lèvres entrouvertes sous le coup de la surprise...
« Je t'avais dit qu'il serait intéressé, mon amour, souffla l'Italien à l'oreille de son amant. Je te l'avais dit il y a dix ans, déjà... Peut-être que je l'aurai enfin, mon baiser du marié...
― Mais ce sera toi le marié, cette fois, fit remarquer Draco avec un sourire timide.
― C'est mieux que rien. »
Théodore eut un rire un peu perdu tandis que Blaise jouait les difficiles, et quand l'Italien le poussa vers Draco, il se laissa faire, comme s'il n'était pas vraiment réveillé. Le blond lui posa maladroitement une main sur l'épaule et il pencha la tête pour y frotter sa joue, recevant un regard presque émerveillé.
« Profite, mon amour, et prends ton temps... Je crois que cette fois-ci, c'est pour de bon... » lui murmura Blaise à l'oreille.
Ils hochèrent tous les deux la tête, puis Draco s'avança lentement et cueillit le sourire de Théodore sur ses propres lèvres. Il entendit le rire de Blaise se marier à cette sensation.
Il ferma les yeux.
FIN.
Auteur :
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Fandom : Harry Potter
Personnages / Couple : Théodore/Blaise, Théodore/Draco, Blaise/Théodore/Draco
Rating : PG
Disclaimer : Encore et toujours à Mrs Rowling.
Note : Ecrit pour
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Ier Temps. Différences
Draco pouvait presque deviner les regards que lui jetaient les gens qu'il croisait dans les couloirs de Sainte-Mangouste. S'il avait levé les yeux, il aurait pu y lire du dégoût, de l'incompréhension ou de la pitié et aussi parfois cette indifférence si totale, comme s'il n'était même pas là. Depuis la mort du Seigneur des Ténèbres, quelques semaines plus tôt, il rencontrait très souvent ce genre de réactions. Sans pour autant pouvoir dire qu'il s'y était habitué, il avait appris à les ignorer en gardant les yeux baissés, en une position humble qui ne pouvait que satisfaire tous ces bien-pensants qui voulaient voir sa famille traînée dans la boue.
Il serra les dents et jeta un coup d'oeil vers les panneaux, cherchant son chemin. Il était au cinquième étage, le service de Pathologie des Sortilèges, et errait depuis quelques minutes, à sa grande irritation. La chambre 579 devait bien être quelque part ! Il refusait de demander son chemin, vue la façon dont il avait été reçu à l'accueil, bien décidé à prouver qu'il n'était pas aussi faible et pathétique que le prétendaient les rumeurs. Un guérisseur passa à proximité, lui jetant un regard plus curieux que belliqueux. Draco l'ignora avec application et continua son chemin sans se retourner. Quelques minutes plus tard, heureusement, le jeune homme était devant la chambre qu'il cherchait, essuyant ses mains moites sur sa robe de sorcier et cherchant le courage nécessaire pour frapper. Il levait la main pour la troisième fois quand il s'aperçut que la porte n'était pas fermée. Poussé par une curiosité qui n'était plus à prouver, il la poussa légèrement et se pencha pour mieux voir à l'intérieur.
La première chose qu'il vit fut le visage livide et amaigri de Théodore Nott, dont la pâleur extrême le faisait presque se confondre avec les draps. Il déglutit, détaillant presque à contre-cœur les bandages visibles sous son pyjama entrouvert, qui lui remontaient jusque dans le cou. Draco serra les poings. Théodore ressemblait à un cadavre oublié là par un guérisseur peu scrupuleux, et sans le très léger -trop léger, même- soulèvement de sa poitrine, Draco aurait paniqué. Il se concentra sur ce mouvement infime mais rassurant puis son attention fut captée par un autre mouvement, à côté du lit.
Blaise venait de se redresser dans la chaise qu'il occupait, se révélant à Draco. Il avait l'air hagard et soucieux, et ses vêtements portaient la trace d'un sommeil inconfortable dans ce fauteuil qui devait l'être encore plus. Sa présence surprit une seconde Draco, puis il la trouva somme toute assez logique : plus d'une fois, à Poudlard, Blaise et Théodore avaient partagé un lit, quand la puberté les avaient rendus aventureux. Draco n'aurait pas su dire s'ils se considéraient comme des amis, mais ils semblaient assez proches, et la présence de Blaise au chevet du malade confirmait cette impression.
Il sentit son coeur s'accélérer étrangement quand Blaise se pencha pour prendre la main de Théodore et la serrer une seconde avant de la lâcher et se lever brusquement, maladroitement. Ce geste malhabile avait quelque chose de presque désespéré aux yeux de Draco, qui recula d'un pas pour rester dissimulé.
« Tu auras donc le dernier mot, Théodore, souffla Blaise en croisant les bras, droit comme une statue au pied du lit. Je suppose que je ne verrai pas ouvrir les yeux avant mon départ... Idiot. »
Draco haussa les sourcils. Il n'était pas au courant du départ de Blaise mais il en comprenait les raisons. Il y avait désormais trois sortes de Serpentards et assimilés : ceux qui avaient collaboré avec les Mangemorts, ceux qui avaient choisi de rester neutres et ceux, enfin, qui avaient préféré soutenir avec l'Ordre et Potter. Les derniers étaient les plus rares, et nombreux parmi eux étaient ceux qui partageaient le même sort que Théodore : la bataille de Poudlard avait fait de nombreuses victimes et tous les Mangemorts n'étaient pas aussi attachés à leurs enfants que l'étaient les parents de Draco... Les neutres, eux, avaient eu plus de chance, du moins à court terme. Les Zabini étaient de ceux-là, et tout comme les Malfoy, qui avaient atterri dans cette catégorie, ils payaient maintenant le prix de leur inaction. Rien d'étonnant, donc à ce que Blaise et sa mère choisissent de quitter le pays.
« Enfin, je te traite d'idiot, mais c'est moi qui suis là, à te parler alors que tu dors, continua Blaise sur le ton de la conversation. Parce que ce n'est que cela, Théodore. Tu dors simplement, n'est-ce pas ? »
Il se pencha vers Théodore et murmura quelque chose à son oreille, comme s'il espérait vraiment qu'il l'entendrait. Draco plissa les yeux. Ces deux-là avaient toujours nié qu'il y avait plus entre eux qu'une complicité qui rendait possible une relation sexuelle sans attaches. Mais cette scène était beaucoup trop intime à ses yeux... Il se sentait étrangement lésé et jaloux. Il avait toujours considéré Théodore comme son égal, la seule personne à pouvoir comprendre sa situation, puisqu'il la partageait. Comme l'enfant gâté qu'il était, il s'était dit que Théodore était un peu à lui et il pouvait bien batifoler avec Blaise, ce dernier ne serait jamais vraiment en mesure de le comprendre... Mais il s'était apparemment trompé, et sa visite lui semblait soudain presque ridicule. Théodore avait choisi son camp en toute connaissance de cause, il avait choisi de tourner sa baguette vers ceux qui l'avaient élevé, vu grandir et façonné. Il avait failli mourir pour sa cause, sauvé in extremis par la bonté et la présence d'esprit de deux Serdaigles de dernière année, à ce qu'on racontait. Draco, lui, s'était caché dès qu'il avait pu, pour sauver sa vie. Pas celle des autres. En fin de compte, lui et Théodore n'avait rien de semblable. Oui, vraiment, il s'était trompé.
Il détourna les yeux tandis que Blaise se redressait en rajustant ses vêtements et résista à l'envie de partir lâchement en courant. Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait espéré en venant, sans doute une espèce de rédemption, l'assurance de la part de Théodore qu'il n'y avait ni rancoeur ni colère... Que ce qu'il avait fait pour sauver sa peau n'avait rien de honteux. Il ne savait pas depuis quand l'avis de Théodore comptait à ce point pour lui, ni pourquoi il en avait à ce point besoin, mais à le voir ainsi, inconscient et le corps brisé, il n'arrivait pas à l'imaginer le pardonnant. Lui, en tout cas, ne se voyait pas être aussi indulgent.
Sans trop réfléchir plus avant, Draco tourna les talons. Il pensait à ses parents, dont les humiliations étaient quotidiennes, et il pensa à Théodore, dont le père agonisait en prison. Il pensa à la loyauté qu'il avait envers les siens et à l'indépendance presque blessante de son ancien camarade de classe. S'il se réveillait, Théodore serait considéré comme un héros, mais lui-même était et serait pour longtemps considéré comme un lâche qui ne devait sa survie qu'à son inaction et ses parents.
Autrefois, ils avaient été égaux, Théodore et lui. Autrefois.
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IIe Temps. Altercation
La coupe de la robe était parfaite, mais Draco ne pouvait s'empêcher de tirer sur les manches ou le col. Il était nerveux et avait beau se dire que c'était normal, pour un futur marié, son noeud à l'estomac lui chantait un autre refrain. Son coeur qui battait à tout rompre n'avait rien à voir avec le mariage prévu pour l'après-midi même. S'il n'avait pas été déjà réprimandé par sa mère, il aurait essuyé ses mains moites sur le lourd tissu de sa robe. C'était certainement la chaleur estivale qui le faisait transpirer ainsi, la chaleur et la perspective de plus en plus proche de voir arriver les invités.
La réponse de Blaise au faire-part de mariage ne s'était pas faite attendre. Il venait seul, ce qui n'était pas très étonnant. Draco ne savait pas exactement comment sa mère avait obtenu son adresse, mais il vivait apparemment bien à Gênes, ou plus précisément dans une petite ville huppée de la banlieue génoise. Draco trouvait que cela lui allait bien. Il vivait à l'hôtel, ce qui lui ressemblait également. Le blond se permit un mince sourire. Il avait presque hâte de le revoir. Il s'attendait bien sûr à ce que cet éternel célibataire se moque de lui mais cela n'avait pas grande importance. Il n'était certes pas amoureux d'Astoria, mais il l'appréciait, et il savait que c'était réciproque. Avec un peu de chance, cela serait suffisant...
Un son cristallin retentit et il sursauta, coupé dans ses pensées. Les premiers invités. Il croisa les doigts pour que cela soit Pansy et son mignon du mois, ou même Millicent ! L'estomac noué, il s'approcha de la fenêtre pour essayer d'apercevoir le nouvel arrivant, mais la porte d'entrée se refermait déjà. Était-ce les Pritchard ? Ou peut-être les Davies ? Dans sa tête passaient toutes les réponses qu'il avait reçues à son invitation, et une en particulier sortait du lot. Théodore serait là. C'était sa mère qui avait envoyé l'invitation, par pure politesse, et la réponse avait été au moins aussi polie et impersonnelle, et pourtant positive. Et Draco avait passé le mois qui avait suivi cette réponse à essayer d'en deviner les raisons, en vain.
Deux coups à sa porte et il tirait une nouvelle fois sur son col avant d'inviter la personne à entrer après un dernier coup d'oeil dans le miroir.
« Quelle élégance, Draco ! s'exclama Blaise en entrant. Aurai-je droit à un baiser du marié, quand la cérémonie sera terminée ?
― Moi aussi je suis ravi de te revoir, Blaise, rétorqua-t-il avec un sourire.
― Je sais. »
Draco l'examina avec curiosité. Cela faisait presque trois ans, maintenant, qu'il l'avait vu pour la dernière fois, à l'hôpital et il avait changé. Il avait l'air mieux reposé et propre sur lui que ce jour-là, ce qui n'avait rien d'étonnant. Ses robes étaient à la dernière mode, dans un tissu luxueux et certainement moins étouffant que celui que Draco lui-même portait. Il s'était laissé pousser un bouc bien entretenu, qu'il portait fort bien, était-il besoin de préciser. Mais ce qui frappait surtout, c'était son sourire. Le Blaise qu'il avait connu était avare de sourires, les gardant pour les occasions particulières comme la séduction de sa proie du moment ou la moquerie. Et même si son sourire était en général très efficace, ses yeux, eux, restaient froids et distants. Mais plus maintenant, apparemment. Il y avait une étincelle malicieuse au fond de ses yeux noirs qui semblait dire au monde : "Voilà ce dont la guerre vous a privés !"
« Et bien ? Tu aimes ce que tu vois ? demanda Blaise en tournant gracieusement sur lui-même, apparemment conscient de l'examen qu'il subissait.
― Tu as changé.
― Toi non. Par la barbe de Merlin, Draco, quand vas-tu te décider à changer de coiffure, c'est indécent de ringardise ! » s'exclama-t-il avec un sourire moqueur.
Draco fronça les sourcils, vexé, et croisa les bras sur son torse en une pose boudeuse. Il ouvrit la bouche et répliqua la première chose qui lui passa par la tête :
« Je croyais que tu voulais un baiser ? C'est comme ça qu'on drague, par chez toi ? »
Ils échangèrent un regard stupéfait, l'un ne croyant pas ce qu'il venait d'entendre et l'autre mortifié d'avoir dit cela tout haut, puis Blaise éclata de rire, et là où autrefois, il n'y aurait eu que de la moquerie, le rire était maintenant teinté d'affection.
« C'est vrai, je m'en excuse, lança l'Italien après s'être calmé. Alors, comment vas-tu ?
― Bien, tout va bien.
― Hmmm, il me semble que tu essaies de t'en convaincre... Mais ce n'est pas très étonnant, pour quelqu'un qui va se marier. Mes félicitations, d'ailleurs.
― Merci.
― Nerveux ?
― Très, admit-il avec une grimace.
― Je ne peux pas t'aider, mon ami. Je ne pourrais que te proposer la fuite ou un orgasme pour te détendre !
― Tu es incorrigible. Et je croyais que ma coiffure était ringarde ?
― Tu portes le ringard merveilleusement bien, on ne te l'a jamais dit ? » flirta Blaise en se rapprochant de lui d'un mouvement félin.
Draco ricana et secoua la tête. La nervosité était toujours là, mais il ne pouvait nier être déjà plus détendu. Et sans orgasme, s'il vous plaît !
« Je retire ce que j'ai dit : tu n'as pas changé, en fait, lança-t-il.
― L'amour rend aveugle, rétorqua Blaise du tac-au-tac.
― Sans doute, souffla Draco après un bref silence. Alors, que deviens-tu ?
― Oh, la routine, tu sais... Je vis la nuit et je travaille le jour, répondit l'Italien en ne relevant pas le changement de sujet.
― Tu travailles ? s'exclama le blond.
― Ton incrédulité me blesse, Draco, se plaignit-il en portant une main à son coeur. Tu as devant toi un investisseur de talent !
― Dans quel secteur ?
― Si toi et ta dulcinée voulez visiter la Ligurie pendant votre lune de miel, mon hôtel a ouvert le mois dernier.
― Un hôtel ? J'ai du mal à te voir en gérant, s'étonna-t-il, amusé par le ton fier de son ami.
― Non, moi je les construis et je les finance. Des hôtels réservés aux sorciers, et il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Il y a un vrai marché, tu sais. »
L'idée était intelligente. Le marasme qui avait suivi la défaite des Mangemorts avait bouleversé la société sorcière. Les gens avaient besoin de distractions, de loisirs, tout pour oublier les horreurs perpétrées par le Ministère sous la coupe du Seigneur Noir et surtout à Poudlard. Draco hocha la tête, impressionné.
« Intéressant.
― Si tu as quelques économies que tu veux investir...
― J'y penserai. Un seul problème à la fois, tu veux ?
― Oh, je suis sûr que la jolie Astoria serait ravie de se voir qualifiée de "problème".
― Ne joues pas les perturbateurs, Blaise ! menaça Draco.
― Toujours aussi susceptible ! Tiens, en parlant de susceptible, Théodore est-il invité ?
― Oui. Je pensais que tu le savais. Vous n'êtes pas restés en contact ? demanda-t-il, perplexe.
― Au début, si. Mais nous avons eu une divergence d'opinions il y a quelques temps, et depuis, je n'ai plus de nouvelles. Ne lui dis pas que je t'ai dit ça, mais je crois qu'il boude. »
Draco sourit vaguement mais garda le silence. Si Théodore boudait Blaise pour une simple divergence d'opinions, alors il devait être proprement et simplement furieux contre lui, après trois ans passés sans donner de nouvelles, sans s'inquiéter de sa guérison, que l'on disait pénible et douloureuse. Pourquoi accepter l'invitation, dans ce cas ? Théodore n'était pas du genre à faire un scandale en public, ce n'était là donc pas une hypothèse valable, mais alors pourquoi ? Il dévisagea Blaise. La raison était peut-être devant lui. S'ils s'étaient disputés, se retrouver lors d'une soirée organisée par une connaissance commune pouvait être une façon valable de se réconcilier, sans avoir à faire le premier pas.
« Vous aurez tout le temps d'aplanir ces différences ce soir, dans ce cas, déclara-t-il avec un sourire qui se voulait amical.
― Et maintenant, c'est toi qui boudes, fit remarquer Blaise, décidément beaucoup trop observateur.
― Bien sûr que non !
― Allons, Draco... Tu auras le temps de lui parler, je te promets de ne pas le monopoliser toute la soirée.
― Ça m'est égal. C'est ma mère qui l'a invité, pas moi. »
Blaise fronça les sourcils, et même si cela n'avait là rien de rassurant, il lui sembla le revoir à l'époque de Poudlard.
« Théodore disait que c'était de la culpabilité mal placée, mais moi je penche plutôt pour de la fierté très mal placée... Alors dis-moi, Draco : qu'est-ce qui peut justifier d'ignorer un ami au plus mal, de ne pas donner de nouvelles pendant trois ans pour finalement le revoir à son propre mariage sans même l'avoir invité soi-même ? railla Blaise, allumant en lui une colère sourde.
― Qu'est-ce que tu voulais que je dise, exactement ? Je suis désolé que mes "collègues" aient manqué de te tuer ! Je te promets que je ne voulais pas les laisser faire, mais j'avais trop peur pour mon nombril pour faire quoi que ce soit ! gronda Draco. C'est facile pour toi de juger, tu étais tranquillement loin de tout ça, tu n'as pas partagé la cause de ceux qui ont failli le massacrer !
― Par Merlin, Draco ! Tout ne tourne pas autour de toi ! Tu ne t'es pas dit qu'il s'en fichait peut-être, de la marque sur ton bras ? Qu'il avait peut-être juste envie de te voir ?
― Et toi, alors ? Tu as filé en Italie avant même d'attendre qu'il se réveille ! accusa le blond avec une grimace haineuse.
― Ne change pas de sujet ! éclata Blaise en pointant un doigt menaçant vers lui. N'y pense même pas, Malfoy ! On parle de toi et de ton nombrilisme ! Il avait besoin de toi, et tu as préféré te terrer et lécher tes plaies comme un chien galeux !
― Besoin de moi ? Pour quoi faire ? Quand il t'a toi pour défendre son honneur, apparemment ! »
Ils reprirent leur souffle quelques secondes, se foudroyant mutuellement du regard. Puis l'expression de Blaise changea, et Draco put y lire de la pitié mêlée à du dégoût. Il grinça des dents.
« Tu ne vois vraiment pas, n'est-ce pas ? souffla Blaise, incrédule.
― Voir quoi ? Que tu es un fichu donneur de leçons ? cracha le blond.
― Non... Tant pis pour toi, Draco. Moi, je ne vais pas m'en plaindre, c'est même mieux pour moi.
― De quoi parles-tu ? s'impatienta-t-il.
― Laisse tomber. »
Blaise rajusta sa robe avec élégance, puis se tourna vers la porte. Les invités avaient dû arriver, pendant qu'ils s'égosillaient, mais Draco n'avait que plus envie de rester terré dans sa chambre, maintenant. La culpabilité qui ne l'avait jamais vraiment quitté était revenue au centuple, attisée par la colère de Blaise. Était-ce là sa vengeance, de lui gâcher ainsi la journée ? Même si, en étant honnête, ce n'était pas une bonne journée avant même qu'ils n'aient cette discussion.
« Je crois que je te hais un peu, souffla-t-il.
― Je te dirais bien que j'en suis désolé, mais ce serait mentir. Redemande-moi dans deux heures… » répliqua Blaise sans le regarder, en sortant de la pièce.
Draco soupira et essuya ses mains tremblantes sur sa robe, sans s'en soucier. Astoria devait certainement l'attendre pour qu'il joue son rôle d'hôte. Peut-être Théodore était-il déjà là... Peut-être seraient-ils tous déjà là, prêts à célébrer le mariage de quelqu'un pour qui ils n'avaient aucune estime. Il eut un sourire amer. Il aurait dû inviter Potter et sa Weasley, au moins aurait-il était sûr des sentiments de quelqu'un pour lui...
On frappa à sa porte et sa mère entra. Sans dire un mot, elle lui passa une main sur la joue avec un sourire mince qu'il lui rendit. Puis elle lui prit la main et le guida vers le couloir. Il se laissa faire, s'accrochant à cette main comme quelqu'un qui ne veut pas grandir.
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IIIe Temps. Renoncement
Finalement, ce fut Théodore qui fit le premier pas, après la cérémonie mais la discussion ne fit rien pour apaiser Draco. Il dansait d'un convive à l'autre, pratiquant son sourire de cérémonie, Astoria à son bras, quand il se retrouva soudain face à lui. Sans arriver à trouver ses mots, qui se déchaînaient comme une mer de tempête dans sa tête, le blond le salua d'un signe de tête maladroit. Il avait oublié que Théodore avait souvent cet effet là, sur lui.
Il avait toujours l'air malade, même si selon des sources fiables, il n'allait plus à Sainte-Mangouste qu'une fois par semaine pour de la rééducation. Mais cela n'enlevait rien à cette prestance discrète qui le caractérisait. Avec la douceur et la grâce d'un oiseau, il se pencha pour embrasser Astoria sur la joue et lui souffla ses félicitations avec un léger sourire de circonstance. Elle minauda, ce que Draco releva à peine, puis, sans doute sous les ordres de Narcissa, elle les laissa seuls tous les deux.
« Tu es venu seul, fit remarquer Draco, sans trouver rien de mieux à dire.
― Je n'ai pas une grande vie sociale, ces derniers temps, admit sans honte Théodore en haussant une épaule.
― Depuis que tu t'es disputé avec Blaise ? continua-t-il, intérieurement stupéfait de s'entendre dire cela.
― On peut dire ça comme ça... »
Ce n'était pas une réponse, ils le savaient tous les deux. Ils se regardèrent, l'un mal à l'aise et l'autre impassible, puis Draco détourna les yeux en soupirant.
« Viens t'asseoir, Théodore, j'ai l'impression que tu vas tomber en morceaux.
― Tu pourrais avoir un peu plus de respect pour le travail des Guérisseurs de Sainte-Mangouste, tout de même, taquina-t-il en se laissant toutefois entraîner vers la terrasse, où des bancs avaient été installés.
― Quand tu auras moins l'air d'être passé entre les serres d'un troupeau d'hippogryffes, on en reparlera, répliqua le blond, bourru.
― Tu as une si grande expérience en la matière... »
Draco grimaça sous le coup. Autant il arrivait à tenir tête à Blaise, autant tenter la même chose envers Théodore était pour lui du domaine de l'impossible. Ce n'était même pas pour des raisons de répartie, parce qu'il en avait, mais plutôt parce qu'à ses yeux, Théodore avait trop souvent raison pour qu'il remette en question ses critiques. La seule fois où il l'avait fait, quand Draco lui avait annoncé qu'il allait recevoir la Marque, l'issue n'avait pas été très joyeuse. Autrefois, les Serpentards appelaient Théodore leur source de sagesse personnelle, leur vieux sage en haut de la montagne. Aujourd'hui, cela manquait à Draco, mais il ne savait pas comment demander.
« Je ne t'ai pas félicité pour ton mariage, déclara soudain Théodore.
― Tu as félicité Astoria.
― Mais pas toi.
― Tu y tiens tant que ça ? demanda Draco en se tournant à demi vers lui, tandis qu'ils s'asseyaient sur un banc à l'écart.
― C'est important pour moi, admit lentement le brun, pesant chaque mot.
― Pourquoi ? »
Théodore se contenta de sourire en réponse, puis étira ses longues jambes devant lui, la tête levée vers le ciel.
« Pourquoi vous êtes vous disputés, Blaise et toi ? demanda le blond après une minute.
― Divergence d'opinions.
― C'est ce qu'il a dit, lui aussi... Mais ce n'est pas une réponse.
― C'en est une. Juste pas une qui répond à ta question, plaisanta Théodore en souriant.
― Pourquoi ne pas dire simplement que ce ne sont pas mes affaires, au lieu de me tourner en bourrique ? râla Draco, piqué au vif.
― Parce que nous sommes des Serpentards. »
Une réponse qui les valait toutes. Draco soupira pour la forme puis se détendit lui aussi sur le banc.
« Mais peu importe la raison de la dispute... C'est terminé.
― Oui, je vous ai vus discuter.
― Il a dit que vous aviez eu des mots tous les deux.
― Divergence d'opinions. »
Théodore se mit à rire doucement et leva les mains en signe de reddition. Draco hocha la tête d'un air satisfait, un sourire aux lèvres. Peut-être Blaise avait-il raison, au fond. Peut-être Théodore ne voulait-il pas juger et préférait avoir un ami... Assis l'un à côté de l'autre, dans la pénombre du jardin faiblement éclairé par la lune, ils profitèrent d'un moment de calme, puis Théodore se détourna un peu et Draco frissonna, comme glacé par ce simple geste.
« Blaise m'a proposé de venir vivre avec lui quelques temps, révéla soudain le brun, en regardant fixement devant lui.
― P...Pourquoi ? bafouilla Draco, pris au dépourvu.
― Il a dit que le soleil me ferait du bien, ainsi que le dépaysement. Que ça valait mieux que de rester seul chez moi, avec une goule pour seule compagnie.
― Et tu as accepté ?
― Oui. »
Draco ferma les yeux, déçu. Voilà qu'encore une fois, Blaise... Il secoua la tête, refusant d'être jaloux sans raison. C'était sans doute mieux pour Théodore, en effet, et quand à lui, il se débrouillait déjà bien tout seul.
« Mais ce n'est pas une raison pour redevenir des étrangers, continua Théodore d'un ton bas, comme s'il lisait dans ses pensées. La Poudre de Cheminette et le Transplanage existent pour une raison.
― Les hiboux, aussi », confirma-t-il.
Il préférait cette solution là. Théodore lui avait manqué, il pouvait l'admettre, et même s'il arrivait effectivement à vivre sans lui, fort heureusement, il appréciait ces conversations calmes, ces silences confortables et cette camaraderie tranquille. C'était comme si même pas une journée ne s'était écoulée depuis Poudlard, et la culpabilité qui aurait dû l'étouffer était comme dissipée par chaque mot qu'ils prononçaient.
« Nous devrions rentrer. Tes invités doivent te chercher.
― Oui », admit Draco sans grande conviction.
Ils se levèrent et Draco s'apprêtait à retourner vers la salle de réception quand Théodore posa une main sur son bras, immobilisant son geste. Il se tourna vers lui, le regard interrogateur.
« Je ne t'ai toujours pas félicité...
― C'est vrai, confirma-t-il, sans trop comprendre l'importance que cette formalité avait à ses yeux.
― Alors félicitations, Draco. »
Théodore se pencha vers lui et lui déposa un baiser sur la joue, en un geste tellement lent que Draco ne pensa même pas à l'éviter. Puis il recula d'un pas, son sourire prenant une couleur presque triste, sous la lune.
« Je te souhaite d'être heureux », souffla-t-il avant de tourner les talons et de s'éloigner.
Draco resta où il était, interdit, et quand il leva les yeux dans sa direction, il croisa le regard de Blaise, avant que ce dernier ne guide Théodore dans la pièce, une main posée dans son dos. Ce geste laissa à Draco un goût amer.
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Interlude. Apaisement
Ils tinrent tous deux parole. Draco ne choisit pas l'Italie comme destination pour son voyage de noces, mais quand ils y allèrent pour leur premier anniversaire de mariage, Astoria adora la petite ville pleine de charme où Blaise les installa, et elle les trouva, Théodore et lui, proprement charmants. Des hôtes parfaits et dont l'affection mutuelle était tellement évidente qu'elle mettait de bonne humeur, avait-elle résumé.
Le soleil et l'attention de Blaise avaient fait du bien à Théodore. Il avait repris du poids, des couleurs et lui aussi souriait plus franchement, comme si l'Italie faisait également pétiller ses yeux clairs. Quand lui et Blaise marchaient côte à côte et que leurs mains s'effleuraient, cela semblait presque plus intime que la main qu'Astoria glissait parfois dans la sienne et ses tentatives pour maîtriser la langue italienne donnaient à Blaise un sourire des plus doux.
Draco sentait la culpabilité disparaître lentement, remplacée par une sensation étrange de calme. Astoria était l'épouse qu'il lui fallait, à la fois discrète et indépendante. Elle aimait la musique et avait fait installer un piano dans la véranda. Parfois, il venait l'écouter jouer et s'était même soumis à quelques leçons pour finir par se rendre compte qu'il n'avait pas l'oreille musicale. Elle avait cessé de mettre du parfum à sa demande et lui la laissait organiser des soirées avec ses amies, auxquelles il acceptait parfois d'assister. Ils s'entendaient bien, se complétaient à merveille, mais il s'était trompé. Après un an, deux ans, cinq ans ou même dix ans, ce n'était toujours pas de l'amour, juste beaucoup d'affection partagée.
Il avait fini par accepter la proposition d'investissement de Blaise, et tous les trois, avec Théodore, étaient maintenant les heureux propriétaires d'une chaîne d'hôtels sorciers dans toute l'Europe. Ses parents étaient fiers et satisfaits et sa femme comblée. La notoriété des Malfoy était devenue plus commerciale que sociale, mais le changement était le bienvenu.
Puis naquit Scorpius, une telle copie de lui-même qu'il se pressa de le mettre en de bonnes mains en demandant à Théodore d'en être le parrain. Sans vouloir revivre sa vie à travers son fils, il choisit simplement de lui donner les meilleures chances, puis de le laisser faire ses choix tout seul.
Et si parfois il lui semblait qu'il lui manquait quelque chose, il mettait ces pensées idiotes de côté, car en regardant autour de lui, sa famille, son fils, ses amis, sa carrière, que pouvait-il bien lui manquer ?
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IVe Temps. Résolution
Le calme de sa vie fut rompu presque dix ans plus tard, par une annonce presque anodine de Blaise, un jour que lui et Théodore leur rendaient visite au Manoir. Ils étaient dans le jardin et tandis que Scorpius apprenait le nom des roses sous la surveillance de son parrain et de sa mère, Blaise et lui prenaient le soleil.
« Je vais me marier, lança l'Italien comme s'il annonçait l'arrivée du printemps.
― Quoi ?
― Je vais me marier, répéta-t-il, amusé.
― Mais... depuis quand ? Et avec qui ? Et... bafouilla-t-il, ne terminant pas sa phrase mais laissant errer son regard vers Théodore.
― Oh, c'est tout récent. Ses parents ont accepté il y a quelques jours. Elle s'appelle Celestina, tu sais, la fille du Ministre Italien de la Magie, annonça Blaise avec la fierté d'un paon.
― Et Théodore ? insista Draco. Il est au courant au moins ?
― Pour qui me prends-tu ? Évidemment qu'il est au courant. Il m'a même aidé à négocier le contrat de mariage.
― Je ne suis pas sûr de bien suivre... »
Blaise haussa les épaules et désigna Théodore du menton.
« Tu peux vivre avec quelqu'un que tu n'aimes pas, Draco. Parfois, tu peux en venir à l'aimer, parfois non, expliqua-t-il en lui jetant un coup d'oeil étrange. Tu en sais quelque chose, non ?
― C'est vrai, mais toi et Théodore... Vous vivez ensemble depuis presque dix ans, Blaise. Tu ne vas pas me faire croire que vous ne vous aimez pas !
― Oh, si, bien sûr. Mais les mariages d'intérêt existent, Draco, tu en portes la marque à la main gauche.
― Pourquoi ? Tu disais que tu ne te marierais jamais, pour ne pas finir comme ta mère, alors pourquoi maintenant, au bout de dix ans ?
― Le Nom, tout simplement. J'ai dû vieillir, je n'arrive pas à me résoudre à l'idée que mon Nom disparaisse. Je n'ai pas réussi à convaincre Théodore de faire de même... Enfin, après réflexion, il déteste tellement sa famille que je le soupçonne d'avoir choisi de préférer les hommes par pur esprit de contradiction, ricana Blaise.
― Tu n'as peut-être pas tord, admit Draco en riant. Mais et ta femme, dans tout ça ? Comment tu comptes lui expliquer que tu as un amant dans la pièce d'à côté ?
― Elle est au courant. Théodore m'a convaincu d'être honnête, et ça a plu à la demoiselle. Nous avons décidé que nous resterions discrets elle et moi, et que tout le monde serait content : ses parents et mon amant.
― Ce n'est pas comme si Théodore et toi n'étiez pas déjà très discrets, fit remarquer le blond.
― N'est-ce pas ? »
Draco hocha la tête et plissa les yeux face au soleil pour observer son fils et Théodore, qui en avaient terminé avec les roses et s'intéressaient désormais aux arbres. On pouvait décidément compter sur Blaise pour les surprises ! Mais au fond, pourquoi pas ? Astoria et lui étaient certes satisfaits en ménage, mais si elle finissait par rencontrer quelqu'un à son goût, il ne se voyait pas lui refuser l'amour que cet homme pourrait lui offrir, tant que les apparences, et surtout Scorpius étaient préservés. Les atrocités dont il avait été le témoin étaient encore trop présentes dans son esprit pour qu'il refuse aux siens une chance d'être heureux. Étrangement, quand il y repensait, c'était toujours les yeux sans vie de Colin Creevey dans les bras de Longdubat qui revenaient... Il se passa une main sur les yeux.
« Alors, tu approuves ?
― Ai-je vraiment mon mot à dire ?
― En tant qu'ami, en tant que co-entrepreneur, en tant que... Oui, tu as évidemment ton mot à dire », termina précipitamment Blaise, cherchant à dissimuler son faux pas.
Draco fronça les sourcils. Encore un de ces non-dits dont ils avaient le secret, ces deux-là... Comme s'ils savaient quelque chose que lui-même ignorait, et ce secret semblait être par moments soit un simple détail soit lourd comme du plomb.
« Finis ta phrase, Zabini, ordonna-t-il. Ça fait dix ans que vous tournez autour du pot, Théodore et toi.
― Ce n'est pas à moi de te dire ça, Draco. Je serais mal placé et je manque d'objectivité », soupira Blaise sans même chercher à nier, heureusement pour lui.
Encore une réponse qui n'en était pas une ! Une autre de leurs spécialités. Le blond pianota sur le banc pour marquer sa désapprobation puis se leva et se planta en face de son ami.
« Sauf que si j'attends que Théodore, que ça concerne apparemment, me parle de lui-même, j'ai au moins quelques réincarnations de marge ! insista-t-il. Dis moi de quoi il s'agit !
― Draco...
― Inutile de chercher à gagner du temps, j'en ai assez. Tu vas parler, sinon je vais devoir sévir !
― Ah oui, et comment ? le défia Blaise, de l'amusement au fond des yeux.
― Tu veux manger ce soir ? Je peux toujours demander à Astoria de cuisiner, si tu veux parfaire ton régime », menaça Draco en se retenant de rire.
Blaise pouffa puis déglutit exagérément pour montrer la terreur que faisait naître cette menace en lui. Draco ne le quitta pas du regard, bien décidé, malgré les plaisanteries, à obtenir des réponses.
« Tu me fais penser à un des roquets de Pansy, Draco, soupira Blaise. Quand tu as quelque chose en tête, plus moyen de te faire desserrer les dents.
― Tu ne te sauveras pas en m'insultant, Zabini. Avoue !
― Avouer quoi ? »
Draco se retourna, surpris, et tomba nez à nez avec Théodore qui venait les rejoindre. Il hésita, jeta un coup d'œil à Blaise qui se grattait distraitement le menton, puis se jeta à l'eau.
« Blaise et moi parlions de son mariage à venir.
― Tu t'es insurgé, j'imagine.
― Un peu... Mais j'avoue que je suis surtout curieux. Apparemment, j'ai mon mot à dire sur cette affaire, et pas seulement en tant qu'ami. Il n'a pas voulu m'expliquer, mais toi, tu vas le faire, n'est-ce pas, Théodore ?
― Il menace de demander à Astoria de cuisiner, fais attention ! » intervint Blaise.
Il reçut un regard mauvais de la part de Draco et un sourire de la part de Théodore. Ce dernier effleura ensuite le bras du blond pour capturer son attention.
« Je ne crois pas que ce soit quelque chose que tu as envie d'entendre, plaida-t-il.
― Peut-être pourriez-vous arrêter de décider pour moi, non ? rétorqua Draco plutôt sèchement.
― Ne commence pas à monter sur tes grands chevaux, intervint Blaise en se levant lui aussi.
― Pourquoi pas ? Vous me cachez quelque chose depuis dix ans !
― Ce n'est pas une raison pour être agressif ! Tu crois que ça nous amuse, de te faire des cachotteries ? s'indigna l'Italien.
― Oui !
― Tu... Non, je n'ai rien à répondre à ça, admit Blaise avec une grimace amusée.
― Draco, coupa Théodore avec un regard sévère en direction de son amant. Ce n'est pas si important, je t'assure que tu peux vivre sans...
― Dis moi », insista-t-il en détachant les deux mots.
Blaise se rapprocha et posa une main sur l'épaule de son amant, remontant jusqu'à sa nuque en une caresse qui se voulait réconfortante. S'appuyant légèrement sur lui, Théodore chercha le regard de Draco et l'accrocha.
« Je t'aime, déclara-t-il simplement, et presque fièrement. Depuis très longtemps, maintenant et de façon complètement irrationnelle. Blaise appelle ça ma maladie de Gryffondor.
― Maladie qui fait bien évidemment partie de son charme, glissa ce dernier.
― J'ai cru que je pouvais t'oublier grâce à Blaise, mais ça n'a pas marché. Il ne t'as pas remplacé, il a juste...trouvé une place à côté de toi, continua-t-il sans relever l'intervention. C'est tout.
― C'est tout ? C'est TOUT ? s'exclama Draco après avoir retrouvé sa voix. Par Salazar, Théodore ! Ça fait dix ans ou plus que tu m'aimes et... c'est tout ?
― Attention à ce que tu dis, Draco, dit Blaise en plissant les yeux.
― Et toi, tu l'as séduit alors qu'il...
― Draco, tais-toi, tu vas dire des bêtises. Je ne suis pas une pucelle au cœur brisé séduit par Casanova Zabini ! coupa Théodore, beaucoup trop amusé par la situation.
― Mais pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?
― Malgré ma maladie de Gryffondor, je suis tout de même un Serpentard... J'avais ma fierté, tout simplement, et j'avais ton amitié. Je ne voulais perdre ni l'une ni l'autre.
― Théodore...
― Ça va, Draco, je te promets », assura-t-il d'un ton apaisant.
Non, ça n'allait pas. Ça n'allait pas car il se rappelait son visage pâle à l'hôpital, et la façon dont son cœur s'était serré. Il revoyait Blaise lui prendre la main avec tendresse et son estomac se nouait rien qu'en y repensant. Il repensait au baiser que Théodore avait déposé sur sa joue avant de s'éloigner, le jour de son mariage, et l'amertume née de le voir partir avec Blaise...
« Tu es un idiot, souffla-t-il, la gorge serrée. Tu es un idiot, Théodore Nott. Tu es un idiot et c'est trop tard.
― Tu es au moins aussi idiot que lui, Draco. Deux vrais Gryffondors, je vous jure ! » se moqua Blaise.
Théodore, lui, le regardait fixement sans bouger. Draco chercha à échapper à son regard, mais en vain. Blaise avait raison, il était au moins aussi stupide, voire même plus que lui, car si le brun avait caché son amour toutes ces années, au moins en était-il conscient, tandis que lui... Il secoua la tête.
« Alors, comme je disais... Une épouse, un amant... C'est tout à fait gérable, surtout avec une épouse adorable comme la tienne, continua Blaise, sans se soucier que personne ne semblait l'écouter. Oh, évidemment, plus on est nombreux, plus c'est compliqué, mais tu ne rechignerais pas devant un petit bonus, n'est-ce pas, Draco ? »
L'interpelé releva la tête et les regarda tous les deux, Blaise avec ses mains autour de la taille de Théodore et sa joue contre la sienne, et ces yeux de félin sauvage mais infiniment tentateur, et Théodore lui-même, pâle comme la lune et beau comme elle, les lèvres entrouvertes sous le coup de la surprise...
« Je t'avais dit qu'il serait intéressé, mon amour, souffla l'Italien à l'oreille de son amant. Je te l'avais dit il y a dix ans, déjà... Peut-être que je l'aurai enfin, mon baiser du marié...
― Mais ce sera toi le marié, cette fois, fit remarquer Draco avec un sourire timide.
― C'est mieux que rien. »
Théodore eut un rire un peu perdu tandis que Blaise jouait les difficiles, et quand l'Italien le poussa vers Draco, il se laissa faire, comme s'il n'était pas vraiment réveillé. Le blond lui posa maladroitement une main sur l'épaule et il pencha la tête pour y frotter sa joue, recevant un regard presque émerveillé.
« Profite, mon amour, et prends ton temps... Je crois que cette fois-ci, c'est pour de bon... » lui murmura Blaise à l'oreille.
Ils hochèrent tous les deux la tête, puis Draco s'avança lentement et cueillit le sourire de Théodore sur ses propres lèvres. Il entendit le rire de Blaise se marier à cette sensation.
Il ferma les yeux.
FIN.