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Titre
: Un conte par John WinchesterAuteur
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Fandom
: SupernaturalPersonnages: John, Dean, Sam Winchester
Rating
: GDisclaimer
: A Eric Kripke. Il a intérêt à les garder bien au chaud, d'ailleurs!Note
: Ecrit pour ![[livejournal.com profile]](https://www.dreamwidth.org/img/external/lj-userinfo.gif)
"Mange tes carottes, Sammy!"
"J'aime pas ça…"
John relève un instant les yeux de son journal et observe ses deux garçons. Dean est debout à côté de la table, les bras croisés sur son torse en une posture qui doit se vouloir sévère, mais qui le fait intérieurement sourire, et Sam est assis à table, devant une assiette, dont il pousse et repousse le contenu avec sa fourchette.
"Bien sûr que si, tu aimes ça! Tu en as mangé la semaine dernière!" fait remarquer Dean en levant les yeux au ciel.
Évidemment. C'est tout à fait Dean de se souvenir de ce que Sammy a mangé la semaine précédente mais d'oublier de finir son propre repas. Pour le coup, John n'a plus trop envie de rire, et il repose son stylo silencieusement.
"Oui, et ben, j'aime plus ça!" rétorque Sammy d'une voix plaintive en repoussant son assiette. "J'en ai assez des carottes! C'est trop…"
"Trop quoi?"
"Orange!"
Le pire, c'est que ça a l'air d'être vraiment un problème… A cinq ans, un petit garçon doit vouloir jouer avec une voiture de pompiers, ou lancer ses premières balles de base-ball, pas détester les carottes… l'absurde de la situation le saisit tandis que Dean roule des yeux complètement effarés à la réponse de son frère.
"C'est n'importe quoi! Mange tes carottes, Sammy!" s'exclame-t-il en repoussant l'assiette vers lui.
"Non!"
"Si!"
"Non!"
D'expérience, John sait que ce genre d'échanges peut durer longtemps sans être le moins du monde productif.
"Les garçons!" les sermonne-t-il sans élever la voix.
Aussitôt, le silence retombe, et les deux garnements, qui se souviennent qu'il existe, pour le coup, tournent des yeux suppliants vers lui, Dean pour qu'il fasse manger ces fichues carottes à Sammy et Sammy pour qu'il le sauve des carottes en question. C'est étonnant ce qu'ils peuvent faire passer dans leurs regards, ces deux là… Aide moi, Papa, s'il te plaît! disent-ils tous les deux pour des raisons différentes.
John soupire et se lève. Il finira ses recherches plus tard. Sous les yeux attentifs et un peu craintifs de ses fils, il contourne la table et fait signe à Dean de s'asseoir. Puis il soulève Sammy, s'assoit à sa place et le pose sur ses genoux.
"Prends ton assiette, Dean," ordonne-t-il à son aîné qui obtempère, l'air satisfait. "Alors, Sammy, quel est le problème?"
Le garçon se tortille un peu sur les genoux de son père, la lèvre sortie en une moue piteuse du plus bel effet.
"J'aime pas trop les carottes," avoue-t-il en relevant ses grands yeux verts. "Et Dean non plus, d'abord!"
L'accusé s'immobilise, la fourchette à mi-chemin entre l'assiette et sa bouche. Sa mine est pour le moins dégoûtée. John lève un sourcil, intérieurement fier de la discipline de son fils.
"Rapporteur," marmonne-t-il en direction de Sammy, qui lui tire la langue en réponse.
John les arrête avant que les chamailleries ne dégénèrent. Il veut qu'ils mangent, pas avoir à les punir pour leur chahut.
"Il faut que tu les manges, Sammy, c'est important, tu sais," insiste-t-il.
"Pourquoi?" demande le petit, qui n'a que ce mot à la bouche, ces temps-ci.
John soupire intérieurement. Il n’est pas fait pour ça. Il n'est pas fait pour élever seul deux petits garçons, leur faire manger des légumes, leur apprendre à se brosser les dents et à prendre soin d'eux-mêmes. Mary devrait être là, pense-t-il en les regardant tous les deux, leurs museaux curieux levés vers lui en attente d'une réponse, de toutes les réponses du monde…
Il ferme une seconde les yeux, repousse comme à chaque seconde le mal qui lui ronge le cœur, pense à ses deux gamins et retrouve ses forces. Il ne sait pas ce que Mary ferait, sans doute les cajolerait-elle jusqu'à ce qu'ils aient fini leur repas… Il ramasse la fourchette et prend quelques carottes, qu'il porte à la bouche de Sammy, avant de se lancer.
"Vous connaissez l'histoire du vieil homme qui n'aimait pas les carottes?"
Il se sent ridicule. Profondément ridicule, et il entend au fond de lui comme un rire gentiment moqueur. Il n'est pas habitué à faire ça, sans doute ne le sera-t-il jamais, mais il faut bien commencer quelque part… Il aurait peut-être dû commencer par "il était une fois…" mais ce qu'il raconte n'est pas un compte de fées, car il ne sait que trop bien que ça n'existe pas.
Ses deux gamins secouent négativement la tête, et il réfléchit une seconde, puis continue.
"C'était un vieil homme qui vivait tout seul dans une maison, sans personne pour vivre avec lui, personne pour lui parler, jamais personne…"
"Comme le Pasteur Jim?" interrompt Sammy.
John sourit un peu. Jim est à peine plus vieux que lui… Il se demande comment il doit prendre ça.
"Non, parce que ce vieil homme, là, si personne ne venait lui rendre visite, c'était parce qu'il était méchant, il grognait tout le temps, et montrait les dents à tous ceux qui l'approchaient."
"Un peu comme toi?" demande à nouveau Sammy, et tandis que Dean baisse la tête pour cacher un sourire, John fourre dans la bouche de son impertinent cadet une fourchette de carottes, qui est acceptée de bonne grâce.
"Si tu veux, Sammy. Sauf que lui, il n'avait pas besoin de deux petits garnements pour être de mauvaise humeur," rétorque-t-il en faisant mine de grogner.
Les deux gamins rient de bon cœur, agréablement surpris par le comportement de leur père. John s'en rend bien compte, et il pourrait se sentir coupable, mais il sait que dès demain, il aura mis cette soirée derrière lui pour se concentrer sur des choses plus pressantes. En attendant, tout comme eux… il profite, tout bêtement.
"Personne ne savait pourquoi cet homme était si méchant, mais les gens se posaient des questions, évidemment," continue-t-il en faisant manger Sammy qui l'observe, fasciné, en mâchant. "On avait même essayé de rentrer chez lui pour savoir s'il n'avait pas quelque chose de caché qui pourrait expliquer son caractère, mais il gardait son chez lui avec une carabine toujours chargée. C'est important, vous le savez."
Ils hochent tous les deux sagement la tête, et il continue, sans trop savoir où il va.
"Donc les gens se posaient tout un tas de questions sur lui… Et puis un jour, la famine s'abattit sur le village," raconte-t-il, épargnant les effets dramatiques à son public déjà conquis.
"C'est quoi, la famine?" demande Sammy.
"C'est quand il n'y a plus assez à manger," répond Dean, la bouche pleine.
"Ah…"
"L'unique fast-food du village était fermé, et l'épicerie n'avait plus que de vieilles boites de conserve. Le vieux monsieur, dans sa maison, mourait de faim, mais il refusait d'aller demander de l'aide."
"C'est ça que le Pasteur Jim appelle la fierté mal placée?" demande Dean.
John hoche la tête, et se demande intérieurement ce que ce fichu Jim a bien pu raconter à ses gosses. Quelque chose lui dit qu'il est lui-même l'exemple que le Pasteur a utilisé pour expliquer cette expression. Il offre une nouvelle fourchette de carottes à Sammy. L'assiette est presque terminée, et il a bien envie de tuer le vieux monsieur et de mettre son public au lit. Puis il se rappelle de la morale et se décide à terminer proprement.
"Alors, la fille de l'épicier, qui avait pitié du vieux monsieur, décida un jour de lui apporter à manger. Elle prit une boîte de carottes et s'en alla jusqu'à chez lui. Elle la déposa devant la porte, sonna, puis alla se cacher dans le jardin, pour observer ce qu'il allait faire."
"Il a mangé les carottes?" demande Sammy, visiblement très étonné, alors même qu'il en a une pleine fourchette en bouche.
"Oui. Toute la boîte, tellement il avait faim. Et vous savez ce qu'il s'est passé après?"
Hochement de tête négatif.
"Il a ouvert sa porte, et a cherché la fille de l'épicier pour la remercier. Et il était comme transformé, il avait l'air moins vieux, et il souriait. Et elle est sortie de sa cachette, et elle est tombée amoureuse de son sourire et de lui… Et c'est la fin de mon histoire!"
"Je croyais que c'était un vieux croulant super méchant…" fait remarquer Dean avec son tact habituel.
"Oui, mais les carottes, c'est magique, vous voyez!" explique-t-il, intérieurement prêt à aller creuser un trou très profond dans le jardin du motel pour aller s'y enterrer, tant cette histoire lui paraît pathétique. "C'est magique parce que ça rend aimable. Et ça, ça plaît aux filles…"
Dean et Sammy le dévisagent tous les deux, un peu perplexes. Effectivement, c'est un conte des plus douteux, mais ils ont tous les deux finis leurs carottes, et c'est déjà un accomplissement.
"Tu sais quoi, Papa?" demande Sammy en se tortillant pour descendre de table. "Il en reste, dans la casserole, des carottes!"
"Tu en veux encore, Sammy?"
Le gamin fait une grimace et secoue vigoureusement la tête.
"Non, pas pour moi! Pour toi! Si ça rend aimable, alors…"
Il y a des bruits de pas derrière lui quand Dean quitte la pièce en courant pour aller éclater de rire dans la salle de bains, et John le remercie intérieurement pour son effort. Sammy se dresse sur la pointe des pieds pour essayer de prendre la casserole, en insistant pour que son père en prenne.
John se dit qu'il devrait être vexé. Il se dit aussi qu'il ne sera jamais le genre de père qui raconte des histoires à ses gosses, parce qu'il est nul pour ça. Mais le contact familier de son alliance à son doigt semble se resserrer, lui faire comprendre qu'il ne s'est pas si mal débrouillé, en fin de compte.
Il se lève pour aller prendre lui-même la casserole avant que Sammy ne la reçoive sur la tête et soupire au regard plein d'espoir de son fils. Il déteste les carottes…
FIN.